Il vaut mieux qu'une injustice se produise plutôt que le monde soit sans loi.
Romain Rolland - Quatorze juillet
Ordre et désordre : de quel côté mettre la loi ?
Si on estime que l’anomie est le désordre le plus absolu, alors même une loi injuste doit être préférable à sa contestation. C’est ainsi que Kant affirmait que le peuple n’avait jamais le droit de se rebeller contre son prince, même si celui-ci était injuste (1).
D’abord, entendons-nous sur ce qu’est l’injustice.
On a vu des peuples courbés sous la férule d’un despote, supporter des dizaines d’années son autorité tyrannique pour la seule raison qu’il apparaissait comme la condition de la prospérité économique. Que tout le monde mange à sa faim, telle est la première et la principale justice ; qu’à côté cela la presse soit bâillonnée, les intellectuels soient exilés, que les fils et les cousins du dictateur soient tous ministre, qu’importe ?
Disons donc que l’injustice est ce qui porte atteinte au droit à l’existence du plus grand nombre. Que le peuple soit affamé, qu’il soit pillé, violé, incendié - comme au Darfour : voilà l’injustice dans son expression la plus claire.
Mais dans ce cas, ceux qui se dresseront contre cet ordre injuste ne le feront pas au nom du désordre, ni dans l’anomie, mais bien dans l’ordre d’une loi supérieure, celle de la survie de l’espèce – en l’occurrence du peuple qui souffre. Ce n’est pas l’ordre contre le désordre, c’est une loi supérieure contre une loi inférieure ; c’est l’ordre de la survie de tous contre l’ordre de la destruction.
La justice c’est donc la paix ? N’avons-nous pas déplacé l’idée même de loi : au lieu de la faire reposer sur un accord des volontés, nous la découvrons dans l’ordre de la nature ? Ne faisons-nous pas alors de la société humaine quelque chose que ne renierait pas une horde de chimpanzés (ou mieux : de bonobos).
Il y a certes place heureusement pour un ordre supérieur de justice et de lois.
Mais quand bien même les sociétés humaines ne vivraient que dans la paix des singes, et ça sera déjà mieux…
Un exemple ? « Chez les bonobos, les relations sexuelles, feintes ou réelles, sont plus souvent utilisées comme mode de résolution des conflits, à côté des mécanismes de domination. » - Lire le reste
La paix selon les bonobos : je suis pour.
(1) En vérité le propos de Kant est un peu décalé : il dit que la révolution est injustifiée si elle prétend, en abattant un tyran, mettre à sa place un ordre juridiquement juste, parce qu’aucune justice ne peut être fondée sur une violence.
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