Friday, July 21, 2006

Citation du 22 juillet 2006

Si Dieu n’existait pas, tout serait permis
Dostoïevski - Les frères Karamazov
(Ça, c’est la citation rapportée par Sartre dans sa conférence intitulée : l’Existentialisme est un humanisme. Elle est probablement fausse, d’un point de vue littéral du moins. Mais elle résume fort bien la pensée de Dostoïevski et bien sûr, celle de Sartre également.)
On devine le syllogisme : Si Dieu n’existait pas, alors tout serait permis. Or il n’existe pas. Donc tout est permis.
Qu’est-ce que vous pensez de ça ? Si vous être anarchistes, vous direz tant mieux, Ni Dieu, ni Maître, etc.. Mais si vous êtes sociologue durkheimien, vous direz : Attention ! Danger d’anomie !
« Anomie » : quésaco ?
C’est un terme utilisé par Durkheim (1) pour désigner l’absence de règles et de valeurs sociales. Il lui sert à montrer que l'affaiblissement des règles imposées par la société aux individus a pour conséquence d'augmenter leur insatisfaction et de provoquer leur « démoralisation ». Laissés à eux mêmes, ils jouissent d’une liberté strictement négative ; la liberté individuelle ne résultant que de l’affaiblissement de la société, elle ne révèle pas leur statut de sujet ; elle n’est donc que le symptôme de la désorientation de la volonté que rien ne peut compenser - rien et surtout pas la volonté de l’individu. Durkheim n’est donc vraiment pas un anarchiste… Mais ça, vous le saviez déjà. Mais les conséquences sont plus intéressantes.
La première conséquence, c’est que pour éviter cette démoralisation, pour avoir des aspirations, les règles sociales sont indispensables, il doit y avoir du défendu et de la répression sociale.
L’autre conséquence, c’est que si Durkheim et Dostoïevski ont raison, une société - et donc l’homme - a un besoin impérieux de religion, sous quelque forme que ce soit, autrement dit que la liberté entendue comme indétermination est catastrophique pour l’individu. Parce que la religion est la source absolue des règles sociales et des aspirations individuelles, parce que nous ne saurions vivre sans ces contraintes, alors nous devons humilier notre orgueil au pied de la croix.
Brrrr !!!
(1) Voir en particulier De la division du travail social.

2 comments:

Anonymous said...

Il m'avait néanmoins semblé en lisant Le suicide, que Durkheim, en raison du recul de la religion dans nos sociétés modernes, préconisait plutôt comme solution, pour réguler les désirs des individus, des institutions plus modernes telles que la corporation de métier...
Enfin, à l'entendre (le lire plutôt), l'Homme serait voué à l'aliénation...

Jean-Pierre Hamel said...

Il n'y a pas de contradiction, bien au contraire. Au fond ce que fait la religion, c'est de créer du lien social. Là où la religion ne le peut plus, il faut trouver de nouveaux facteurs de liens, et les corporations en sont.
Chez nous, depuis Pétain, les corporations sont obsolètes. L'entre^prise peut-elle prendre le relais ?