Une servitude ne peut consister en une obligation de faire mais bien en une obligation de laisser faire ou de ne pas faire. (Servitus in faciendo consistere non potest sed in patiendo vel non faciendo) (1)
Maxime de droit
Les juristes ont ceci d’intéressant qu’outre le précision du vocabulaire, ils ont en plus la profondeur de vue.
Voyez le cas de la servitude. En droit (civil ou public), la servitude correspond à une obligation certes ; mais celle-ci n’impose que l’abstention et non l’action. Chacun aura compris ce qu’il en est si l’on l’évoque la servitude de passage. Les curieux iront voir un dictionnaire comme celui de Cornu (2) qui en énumère gaillardement une quarantaine.
Nous avons l’habitude de considérer que l’état d’esclavage consiste à être obligé de faire ce qui est avantageux pour le maître et jamais pour l’esclave (Spinoza), en sorte que la servitude suppose l’obligation de faire. L’esclave travaille, d’où l’assimilation facile du travail à l’esclavage. Admettez que l’approche des juristes est plus qu’intéressante. Car celui qui est obligé de laisser faire est-il moins contraint que celui qui est contraint de faire ?
Toutefois, entre les juristes et nous (commun des mortels), il y a une différence : la loi ne nous suffit pas pour définir quelque chose qui nous touche de si près.
Ainsi : la privation de liberté dans une prison consiste à ne pouvoir faire ce qu’on voudrait ; cela signifie que la servitude suppose un empêchement de la volonté. Ce qui veut dire , premièrement que celui qui ne veut rien n’est empêché de rien. Deuxièmement – et réciproquement – que si la volonté échappe à la contrainte alors celle-ci ne peut exister. La liberté du sage est inaliénable parce qu’il ne veut que ce qu’on ne peut l’empêcher de faire : respirer, jouir de la lumière du jour, penser, etc. Et troisièmement que si on m’oblige à faire ce que j’ai envie de faire, il n’y a pas de contrainte non plus.
Reste quand même que la servitude juridique comporte un aspect essentiel : l’obligation, résulte ici de l’universalité de la loi. Ainsi, la loi ne joue pas là où ma volonté me porte à faire ce qu’elle prescrit. C’est quand mon voisin est détestable que le voir passer sur mon terrain pour rentrer chez lui est pour moi une servitude.
(1) Laisser faire, par exemple : servitude de passage . Ne pas faire, par exemple : servitude de vue de ne pas bâtir.
Servitude de passage : obligation de laisser le libre passage sur sa propriété pour accéder à un terrain enclavé
(2) Gérard Cornu– Vocabulaire juridique (PUF)
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