… cette terrible planche, ce corps nu de femme, évanoui dans le plaisir, sicut cadaver, à tel point qu’on ne sait pas si c’est une noyée ou une vivante.
Edmond de Goncourt – Hokusai (p.175)
Ce commentaire d’Edmond de Goncourt accompagne l’estampe ci-dessous.
Hokusai – Estampe extraite de Modèles d’étreinte (vers 1816)
L’estampe japonaise – ou chinoise – est peut-être pour vous synonyme d’image érotique ? Pourtant, même si l’érotisme est présent dans certaines estampes japonaises, il s’agit d’un érotisme qui n’est pas forcément celui que nous affectionnons.
J’en veux pour preuve cette estampe d’Hokusai qu’Edmond de Goncourt avait déjà signalée pour l’expression étrange de la femme : yeux clos, bouche entrouverte, si l’on ne voyait pas la partie droite de l’image on la croirait en effet évanouie ou noyée.
Mais enfin, cette estampe fait bien partie d’un recueil intitulé « Modèles d’étreinte » ; il s’agit donc d’éducation érotique. Nous, occidentaux, nous attendrions plutôt quelque chose de plus explicite, de plus « anatomique ». A moins que l’érotisme ne suppose au contraire quelque chose de suggestif, qui sollicite l’imagination.
Rien de tout ça ici.
Rien ? Pas tout à fait.
Le modèle d’étreinte proposé par cette planche vise à décrire la manipulation par la femme du sexe de l’homme. Banal. Mais si la position de la main de la dame qui étreint le sexe masculin n’a rien de très original, en revanche elle a pour fonction essentielle de conduire le regard vers celui-ci. Et c’est là que le fantasme se révèle.
Qui donc a vu un sexe pareil ? Loin de moi l’idée de solliciter des commentaires licencieux sur ce genre d’expérience. Ce que je veux dire, c’est qu’en plus de la dimension phénoménale de ce phallus, ce qui frappe c’est surtout sa forme, et je dirais même sa texture. (1)
Voyez le jaillissement de cet organe qui déborde l’étreinte de la main ; voyez cette hampe noueuse comme un pied de vigne ; voyez cette turgescence polie et dure comme du jade. Pas de doute : le phallus « hokusaien » est une incarnation de la force et non un simple symbole du pouvoir, comme le phallus occidental.
J’imagine l’érotisme japonais comme une célébration exubérante de la puissance.
(1) J’ai risqué le mot « phallus », pour dire que sa forme héroïsée est hors de proportion avec ce que l’humanité possède ; mais je n’ai pas voulu dire qu’on est en présence d’une représentation du phallus freudien – c'est-à-dire du signifiant du désir.
1 comment:
superbe protubérance
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