Wednesday, July 02, 2008

Citation du 3 juillet 2008

Le progrès n'est que l'accomplissement des utopies.

Oscar Wilde

Le progrès n'est que l'accomplissement des utopies.

Une citation, deux idées.

Deux idées, deux erreurs.

- Première idée : le progrès suppose toujours un projet ou du moins une représentation du désirable, quelque chose qui oriente et suscite l’effort pour avancer.

- Deuxième idée : le progrès suppose – également toujours – une rupture radicale avec le passé, et c’est pour cela qu’il est « l’accomplissement des utopies ».

- Première erreur : je conteste que le progrès soit systématiquement subordonné à un désir quelconque, qu’on le découvre comme l’enfant trouve un jouet au pied du sapin, le soir de Noël.

Si tel était le cas, nous saurions quoi chercher, et surtout nous saurions à quoi servent les découvertes que nous réalisons dans nos laboratoires. Or, si par exemple on sait que l’utopie serait de prolonger la vie humaine jusqu’à 150 ans ou de vivre en paix avec la planète entière, ce n’est pas pour autant qu'elle oriente nos recherches : nous ne saurions comment faire.

- Deuxième erreur : réciproquement, combien de fois a-t-on découvert par hasard quelque chose qu’on ne cherchait pas et que c’est secondairement qu’on s’est avisé des progrès qu’il nous permettait de faire (1).
Je crois que souvent, lorsque nous découvrons une nouvelle possibilité, n’avons aucun idée de ce que nous pourrions en faire. C’est alors que les spécialistes du marketing s’en emparent pour imaginer les plaisirs ou l’avantage qu’on en pourrait tirer. Et encore, bien heureux quand ils y arrivent : le « progrès » peut bien tomber à plat, et être un échec. Il se peut aussi que le public en fasse un usage qui n’était pas prévu, et qu’alors on invente en même temps le désir et sa satisfaction.

Le désirable aussi est une invention : nous ne savons même pas quelles seront les utopies de demain.

Bref : entre le projet et la prévision, il y a encore de l’espace pour l’invention d’un inimaginable futur.

(1) Voir le cas de la pénicilline (Post du 19 juin 2008)

2 comments:

Djabx said...

Bonjour,

Une fois n'est pas coutume: je ne suis pas d'accord avec vous du tout.

Vous dites "je conteste que le progrès soit systématiquement subordonné à un désir quelconque".
Je pense que vous mélanger deux concepts: la découverte et l'utilisation de cette découverte.

Reprenons votre exemple de la pénicilline.
Dans ce cas, l'utopie est "soigner des infections".
La découverte (celle du pénicillium) est le fruit du hazard.
Toutefois, l'idée d'utiliser les propriétés du pénicillium pour accomplir l'utopie de "soigner des infections" est elle un progrès.

Si nous n'avions pas l'utopie de "soigner les infections", nous n'aurions jamais eu l'idée de l'utiliser dans ce cadre là.

C'est bien cette idée (géniale) d'utiliser le pénicilium qui est un progrès, et en aucun cas sa découverte.

Bref, je pense comme O. Wilde que c'est l'idée de l'utilisation d'une découverte, dans un cadre dicté par une utopie qui engendre le progrès.


PS: "prolonger la vie humaine jusqu’à 150 ans"
Est typiquement le genre d'utopie qui fait qu'aujourd'hui nous utilison le pénicillium.
Cette utopie fait aussi que nous investisons dans la recherche médicale même si en effet cela n'implique pas que nous trouvions quoi que ce soit.
Toutefois, dès qu'on trouveras quoi que ce soit, on tâchera de l'appliquer pour résoudre cette utopie.

PPS: "vivre en paix avec la planète entière"
La plus belle des utopies...
Mais je doute qu'elle soit uniquement subordonnée à une découverte (et donc un progrès); je pense qu'elle réside uniquement dans les hommes eux même. Donc autant dire que là on est pas rendu.
Je vous renvoies à vos posts: citation du 03/07/2007 et 29/09/2006

Jean-Pierre Hamel said...

Une fois n'est pas coutume: je ne suis pas d'accord avec vous du tout.

-- C’est tout à fait permis, surtout quand on a raison.
De fait je crois que je me suis par expliqué assez clairement.

Ce que je voulais dire, ce n’est pas que les « progrès » réalisés dans des productions humaines pouvaient ne pas répondre à des désirs insatisfaits. Ce dont je parlais, c’est des _découvertes_ qui sont à l’origine de ces productions, et c’est le cas de la pénicilline, et qui ne résultaient pas du tout d’une telle _motivation_.
De même vouloir satisfaire un désir n’est parfois utopique que parce qu’on cherche à le satisfaire directement, comme nous le suggère notre intuition. Voir le vol humain, qui a été d’abord pensé comme un vol d’oiseau, avant de se réaliser avec l’hélice. Voir également la machine à coudre qu’on n’a pu réaliser que le jour où on a renoncé à copier les gestes de la couturière. S’il il y utopie, c’est peut-être là qu’il faut la chercher.
Enfin, le marketing utilise cette recherche de la satisfaction de désirs pour nous fourguer des innovations qui peuvent ne rien satisfaire du tout. Mais aussi on peut voir le public s’emparer d’une invention pour en faire autre chose que ce qu’on avait cru produire : exemple des écrans télé-mobiles qu’on utilise chez soi plus que dans le rue comme prévu.
C’est à cela que je pensais en disant que, si les utopies sont vieilles comme l’humanité, des désirs neufs s’inventent tous les jours, au rythme des découvertes de nos laboratoires et de nos ingénieurs.