Monday, July 28, 2008

Citation du 29 juillet 2008

Après le malheur de naître, je n'en connais pas de plus grand que celui de donner le jour à un homme.
Chateaubriand – Mémoires d'outre-tombe (Première partie, livre deuxième, chap.5)
Le plus grand malheur de l’homme, c’est d’être né… Cette révélation, La révélation du Silène, rapportée par Nietzsche (dans l’origine de la tragédie), est bien connue – je vous en donne néanmoins la version « originale » (celle de Plutarque) en annexe.
Maintenant, Chateaubriand met le doigt sur le corollaire de cette mise en garde : si la naissance est un malheur, alors soyez logiques : ne faites pas d’enfants !
Faut-il donc écouter Chateaubriand (ou qui conque fait le même calcul – cf. post du 29 avril 2007) ? Et vous, pourquoi faites-vous des enfants ? – si du moins vous en faites volontairement. Car, pendant des millénaires, l’humanité a procréé au petit bonheur, à la va-comme-je-te-pousse (sic !), sans même savoir si ça serait un bien ou un mal. Et puis on s’est intéressé à la filiation, parce qu’il y avait un héritage à transmettre. La légitimité des enfants fut une nécessité, et le mariage une loi. La fidélité de l’épouse devint une condition, bien évidemment. A condition qu’elle soit féconde.
Bref, ça servait à quelque chose de faire des enfants ; leur procréation était même une bénédiction du Seigneur.
Le temps passant, l’espérance de vie s’allongeant, les enfants durent s’habituer à s’établir dans la vie sans bénéficier d’un héritage. Dans le même temps, l’éclatement géographique de la famille les dispensa de rester à s’occuper de leurs vieux parents. L’évolution de la culture les débarrassa en même temps des notions périmées de respect des anciens, de culte des ancêtres, etc.
Donc nous n’avons plus aucune utilité de mettre des enfants au monde, et si en plus faire un enfant, c’est faire un malheureux de plus, alors la réflexion de Chateaubriand devrait nous alerter.
D’autant que les méthode contraceptives étant ce qu’elles sont devenues, nous ne laissons plus faire la nature : si nous ne voulons pas faire d’enfants, nous n’en faisons pas.
- Or, voyez-vous, il se passe exactement le contraire de ce que notre Silène nous a présenté. Il est historiquement avéré que les moments où la natalité baisse, sont des moments de prospérité : les pays développés souffrent d’une dénatalité générale. Par contre dans les pays souffrant de famine ou de sous-développement, c’est là que la natalité est la plus forte.
Quand j’ai du bonheur à revendre, je ne fais pas d’enfants ; quand je n’ai que de la misère à partager, je fais des enfants. Là où naître est le plus grand malheur, c’est là que les hommes font le plus d’enfants.
Allez y comprendre quelque chose
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« Le roi Midas demande au Silène qu’il a capturé : « quelle est la chose la meilleure et la plus désirable pour les hommes ? ». Le Silène commence par se taire obstinément, mais devant l’insistance de Midas, il dit avec difficulté et sous la contrainte : « La meilleure des choses, il est tout à fait impossible qu’elle échoie aux hommes et ils ne peuvent y avoir part, car pour tout homme comme pour toute femme, le meilleur c’est de ne pas naître ; mais ce qui vient immédiatement après, c’est, étant né, de mourir aussitôt que possible. » Plutarque – Consolation à Apollonios sur la mort de son fils. (115 d-e)

4 comments:

Anonymous said...

Il faudrait prendre en compte la part du biologique, ainsi que la pression sociale qui s'exerce sur les individus. Il suffit de voir comment dans notre société sont perçus les couples sans enfants, alors qu'ils pourraient en avoir (j'ai discuté de ce sujet avec une de mes collègues, qui s'acharne à persuader les gens qu'ils n'ont pas à la prendre en pitié...).

Jean-Pierre Hamel said...

Oui, et il serait aussi intéressant de retrouver les raisons qui soutiennent ces normes.
On peut rappeler pour montrer le décalage qui existe entre ces normes en fonction de l’histoire, que l’Hippias de Platon (sauf erreur d’attribution) estimait qu’il était bon d’avoir des enfants, parce que ce sont eux qui mèneront les funérailles de leur père.
Prendre en pitié les personnes sans enfants reviendrait alors à lui dire : « Qui donc va t’enterrer quand tu seras mort ? »

Djabx said...

j'ai discuté de ce sujet avec une de mes collègues, qui s'acharne à persuader les gens qu'ils n'ont pas à la prendre en pitié

Je pense que cette conception des choses commence à changer.
Aux états-unis, on commence à voir l'apparition de groupe de gens qui ne sont pas "child less" (en france on parle de "sans enfant" dans le même sens) mais des "child free" (sous entendu c'est volontaire).

Je pense que les gens qui privilégie leur carrière le font de plus en plus au détriment de leur vie familiale.

Sans parler qu'on souhaite que les individus soient mobiles dans leur travail, mais que le conjoint ne l'est pas forcement (au risque de créer des tensions au sein du couple).
Et jusqu'à présent, pour faire un enfant il faut être deux...

Jean-Pierre Hamel said...

on commence à voir l'apparition de groupe de gens qui ne sont pas "child less" (en france on parle de "sans enfant" dans le même sens) mais des "child free" (sous entendu c'est volontaire).

« Libre d’enfant », comme on était « libre des obligations militaires »…
Après tout, pourquoi pas ? Encore une fois, ni Sartre, ni Simone de Beauvoir n’ont voulu faire des petits.
Moi, ce qui me gêne, c’est que ce soit le groupe social qui en décide. Que l’entreprise encourage à ne pas avoir d’enfant, où est la liberté ?