De l’œuf (3)
Quand la pierre tombe sur l’œuf, pauvre œuf. Quand l’œuf tombe sur la pierre, pauvre œuf.
Proverbe chinois
Les chinois préfèrent la métaphore de l’œuf et de la pierre à celle du pot de terre et du pot de fer (1). Mais l’idée reste : les faibles ont toujours le dessous en face des forts – même quand ceux-ci sont animés de bonnes intentions.
Mais dans les deux cas on garde l’idée de la friction, du contact, du choc entre le fort (le dur), et le faible (le friable).
- Nous avons dit « friable » et non « mou ». Car l’œuf n’est pas mou, en revanche il est fragile. Et c’est cette propriété qui caractérise sans doute le mieux la faiblesse humaine : l’homme faible est celui qu’un rien vient briser, qui ne résiste à aucune épreuve. D’ailleurs notre bon La Fontaine, outre les deux pots, a montré dans la fable Le chêne et le roseau que la force va avec la souplesse.
Que tout cela soit bien connu c’est évident. Par contre on a peut-être trop insisté sur le rôle de la rencontre entre le fort et le faible pour expliquer les malheurs de celui-ci. Que l’œuf et la pierre ne se rencontrent jamais, ou que le pot de terre aille par un autre chemin que le pot de fer, et tout irait bien ?
Traduisons politiquement cette idée, et nous verrons où elle nous mène. Il s’agirait de privilégier l'individualisme, de sauvegarder les libertés individuelles, tout en se protégeant de leur abus. Que personne ne fasse usage de sa puissance pour priver autrui de ses droits ; que chacun fasse ce qui lui plaît à condition de ne pas s’en prendre à son voisin ; que la propriété soit préservée, à condition que nul n’en soit exclu…
On le devine : le pauvre n’a pas besoin de toutes ces lois, car elles ne changent rien à sa situation. Il sera après comme avant celui dont les droits ne servent à rien car il meurt de faim.
Pour protéger l’œuf, supprimez la pierre, ou bien bétonnez-le.
(1) Lire la fable ici
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