Car, par exemple, je voyais bien que, supposant un triangle, il fallait que ses trois angles fussent égaux à deux droits ; mais je ne voyais rien pour cela qui m'assurât qu'il y eut au monde aucun triangle. Au lieu que, revenant à examiner l'idée que j'avais d'un Être parfait, je trouvais que l'existence y était comprise, en même façon qu'il est compris en celle d'un triangle que ses trois angles sont égaux à deux droits, ou en celle d'une sphère que toutes ses parties sont également distantes de son centre, ou même encore plus évidemment ; et que par conséquent, il est pour le moins certain, que Dieu, qui est cet Être parfait, est ou existe, qu'aucune démonstration de géométrie le saurait être.
Descartes – Discours de la méthode (Quatrième partie)
Tiens, un peu de philo, pour changer.
Aujourd’hui : l’argument ontologique, qui consiste en une démonstration rationnelle de l’existence de Dieu (1).
Quoi ? On a démontré rationnellement que Dieu existe, et on ne vous l’aurait pas dit ?
Hé bien, on vous l’a dit. En cours de philo pendant votre terminale, rappelez vous… vous étiez entrain de faire votre problème de math ? D’envoyer un SMS ? De baratiner votre voisine ou de commenter le dernier match du PSG avec votre voisin ?
… Qu’importe, car depuis Descartes, Kant est passé par là et il a tout fichu par terre. Oups !
Ce qui importe quand même c’est de savoir qu’à l’époque de Descartes, il y avait des gens pour dire que la foi n’était pas tout, et que la raison permettait d’entrer dans le royaume de Dieu – si Dieu le veut. Que l’athée était un insensé (2), mais que réciproquement la raison était un bienfait de Dieu dont nous devons tirer tout le parti possible.
Bref, il y avait un espace pour un débat raisonnable sur l’existence de Dieu et sur l’étendue de ses attributs – autant dire que si un dialogue entre croyants et non croyants peut s’instaurer ce n’est que dans ce contexte là.
Hélas : voyez ce qui se passe aujourd’hui. On ne pense la culture religieuse qu’en terme d’histoire des religions, et bien souvent en terme de catéchisme, distillé par le prof d’histoire. Franchement, si on oublie de le faire, il n’y a pas de quoi se désoler.
Par contre, qu’on s’interroge sur Dieu, son existence et ses attributs, et tout cela réfracté par les différentes religions : je ne sais pas si ça aiderait à gagner le Paradis, mais ça aiderait peut-être à être moins bête.
(1) Résumé de l’argument : si l’existence est une propriété du concept au même titre que la quantité, la qualité, la relation etc., alors on ne peut concevoir en son esprit un être possédant la totalité de ces propriétés sans lui attribuer aussi l’existence. Donc, si je peux concevoir Dieu – être infiniment parfait – comme concept, je cois aussi le concevoir comme existant réellement.
(2) Saint Anselme. Proslogion : « Nous croyons que tu es quelque chose de tel que rien de plus grand ne puisse être pensé. Est ce qu'une telle nature n'existe pas, parce que l'insensé a dit en son cœur : Dieu n'existe pas? Mais du moins cet insensé, en entendant ce que je dis : quelque chose de tel que rien de plus grand ne puisse être pensé, comprend ce qu'il entend ; et ce qu'il comprend est dans son intelligence, même s'il ne comprend pas que cette chose existe. Autre chose est d'être dans l'intelligence, autre chose exister. [...] Et certes l'Être qui est tel que rien de plus grand ne puisse être pensé, ne peut être dans la seule intelligence ; même, en effet, s'il est dans la seule intelligence, on peut imaginer un être comme lui qui existe aussi dans la réalité et qui est donc plus grand que lui. Si donc il était dans la seule intelligence, l'être qui est tel que rien de plus grand ne puisse être pensé serait tel que quelque chose de plus grand pût être pensé »
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