Wednesday, October 29, 2008

Citation du 30 octobre 2008


Tout travail travaille à faire un homme en même temps qu'une chose.

Emmanuel Mounier

A quoi bon travailler ? Pour « gagner plus » Pffft…

Non. On travaille pour évoluer, pour se faire, pour se créer petit à petit. Le travail forge le travailleur en même temps que le soc de la charrue.

Alors, une fois qu’on a dit ça, on se tourne vers le mineur, vers le docker croulant sous la charge, vers l’ouvrier respirant les vapeurs de soufre dans son usine chimique.

Tout travail : comment défendre l’usage de cet adverbe ? N’avons-nous pas des cas où le travail transforme l’homme en bête de somme – et sans même recourir au cas des zeks au goulag ?

On peut bien sûr y voir la trace du péché originel : faire l’homme c’est aussi le châtier pour qu’il se repente… Mais je laisse cette interprétation à qui en voudra, pour ma part, je sens que l’humanité se révolte en moi à cette image.

Et si on renversait la formule de Mounier pour voir si ça fonctionnerait mieux ?

Ça donnerait ceci : Tout ce qui contribue à faire un homme en même temps qu’un chose est un travail.

Conséquence :

- Ce qui ne répond pas à ce critère n’est pas un travail. On parlera alors de peine, de corvée, ou de labeur.

On a ici une des limites du concept de travail, qui permet d’en délimiter le domaine d’application : après tout ça met un peu de clarté dans un concept distendu par des applications innombrables.

- D’autre part ce qui développe l’homme consiste en une activité qui produit une chose. La méditation du philosophe, la prière du moine, ne produisant rien de concret ne transforment pas celui qui les pratique en homme.

C’est ici qu’on va avoir le plus de contestation. Faut-il que ce qui est produit par le travail soit une « chose », une réalité matérielle ? Et l’écrivain, il produit quelque chose de matériel ? Et le peintre, va-t-on dire que son tableau se définit comme une chose ? Douteux…

Donc :

1 – Acceptons de restreindre ainsi notre formule : Parmi les actions qui contribuent à faire un homme, certaines produisent aussi en même temps une chose.

2 – Produire une chose c’est aussi produire un homme seulement si cette chose n’est pas strictement conditionnée par le besoin de survie : ainsi le paysan qui cultive sa terre en artiste amoureux de son champ et fier de la valeur de son travail pourrait bien se dire qu’il se crée en même temps qu’il produit de l’avoine.

Là-dessus voit Hannah Arendt.

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