Que nous sert-il d'avoir la panse pleine de viande, si elle ne se digère? Si elle ne se transforme en nous? Si elle ne nous augmente et fortifie?
Montaigne - Essais, I, 25
Bien entendu on aura compris que Montaigne ne nous donne pas un conseil de diététique et que la « viande » dont il nous parle (1) vise en réalité tout ce que nous apprenons, et d’abord la culture dont par traditions l’école nous abreuve.
Oui, tout ce que nous apprenons n’est pas en nous simplement pour que nous le conservions et le transmettions comme on nous l’a remis. Nous devons le transformer ; et ça doit nous fortifier et nous augmenter.
Voilà donc une raison de considérer la culture classique –théâtre, musique, littérature, etc.(2) – autrement que comme un bagage encombrant qu’on subit en s’ennuyant, mais comme une incitation à penser autrement, à voir autrement – le monde, les autres – et à agir autrement.
Pourtant… Il y a des limites à ne pas franchir dans cet usage des classiques.
Il y a une furieuse manie aujourd’hui de dévaster le répertoire classique – et je pense plus particulièrement au théâtre, mais ça concerne aussi l’opéra – en le montant complètement décalé avec des costumes modernes (encore ce n’est pas si grave), en évoquant des situations modernes (idem) et en faisant jouer les acteurs comme si la pièce en question était une pièce d’avant-garde. L’an passé, j’ai subi une représentation d’Andromaque : les alexandrins : en miette ; les acteurs : crient leurs texte en se courant les uns après les autres ; le pompon : Astyanax était sur scène (un bel enfant), et … il avait même une réplique à dire.
C’était une viande un peu dure à avaler.
(1) Viande : nourriture
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