La vie est un voyageur qui laisse traîner son manteau derrière lui, pour effacer ses traces.
Louis Aragon Les voyageurs de l'impériale
L'imminence de la mort n'est pas seulement une obsession personnelle, c'est une manière de se rendre à la nécessité de ce qui se donne à penser, à savoir qu'il n'y a pas de présence sans trace et pas de trace sans disparition, donc sans mort.
Jacques Derrida – interview avec Antoine Spire - Le Monde de l'éducation - septembre 2000
Hier l’effacement des traces était envisagé comme une lutte souvent perdue, toujours difficile. Qu’on se rappelle la femme de Barbe-Bleue et de la petite clé tachée de sang…
Mais peut-être s’était-on un peu trop attaché à la valeur symbolique des traces, à leur valeur de marqueur de la faute, marqueur qui n’existe en fait que dans notre mémoire sous forme de sentiment de culpabilité.
Le propre de la trace n’est-il pas surtout de s’effacer de soi-même, comme la mer efface sur le sable / Les pas des amants désunis ?
Nos citations du jour vont un peu plus loin :
Selon Aragon, c’est la vie qui efface les traces, sans doute parce que la vie est marche en avant, changement, mobilité perpétuelle, comme le pensait Héraclite. Faut-il croire que c’est pour effacer ses traces qu’on change (un peu comme on efface un disque dur en ajoutant de nouveaux fichiers qui écrasent les anciens) ? Ou bien qu’il n’y a de vie que par le mouvement et que se mouvoir c’est quitter ses anciennes positions ?
Selon Derrida, la trace est comme l’ombre portée par la présence à la vie. Mais curieusement, il fait de la trace la condition de la disparition, donc du passage de la vie à la mort. Un peu comme si c’était mon ombre qui était cause du mouvement du soleil…
Voilà une pensée qui serait plus appropriée au poète qu’au philosophe. Peut-être est-ce la raison pour laquelle nous devrions dire que l’effacement des traces est l’affaire uniquement des poètes.
Nos traces, comme des feuilles mortes…
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