Zig et zig et zig, quelle sarabande! / Quels cercles de morts se donnant la main ! / Zig et zig et zag, on voit dans la bande / Le roi gambader auprès du vilain!
Mais psit ! tout à coup on quitte la ronde, / On se pousse,
on fuit, le coq a chanté / Oh ! La belle nuit pour le pauvre monde ! / Et vive
la mort et l'égalité !
Poème d'Henri Cazalis (alias Jean Lahor)
Allez ! C’est Dimanche ! Un peu de musique pour
le fun ? Une musique guillerette, une musique à écouter avec les
pieds ? Une musique à chanter avec
les paroles ci-dessus ?
Voilà : Camille Saint-Saëns et sa Danse macabre
C’est vrai que ça ne réjouit pas forcément tout le monde,
mais enfin que voulez-vous ? Si on rit avec ça, alors on est sur de
rire de tout – et tout le temps…
Mais qu’est-ce qui réjouissait tant nos ancêtres – je
veux dire ceux qui au détour du 14ème siècle, en pleine épidémie de
peste noire ont inventé et représenté ces sarabandes de squelettes qui poussent
vers la tombe pêle-mêle mendiants et seigneurs empanachés ?
Danse de la mort
Holbein
Oui, qu’y avait-il de si réjouissant ? Relisons
notre citation : Et vive la mort et
l'égalité. Oui, c’est bien ça qui caractérise ces Danses macabres : on
y voit la mort mélanger joyeusement tous
les ordres de la société, toutes les classes, toutes les conditions. Riches ou pauvres,
seigneurs ou manants, pouilleux ou belles emparfumées, tous se retrouvent dans
la tombe qui égalise les conditions sans aucun égard pour les différences.
Sommes-nous donc bien sûrs d’être égaux devant la mort ?
Si nous nous reportons à l’époque où ces sarabandes mortuaires sont apparues –
je veux dire l’époque de la première épidémie de peste noire (1) – on constate
que l’inégalité sociale restait la règle. C'est ainsi qu'on disait que le
meilleur remède contre la peste était d’avoir une bonne paire de bottes – pour fuir
quand il en était encore temps : ce que
tout le monde n’avait pas les moyens de faire. On aurait pu dire aussi que le
second remède était la possession de hauts murs : les nobles dans leur
propriété bien fermée, comme les moines dans leurs monastères risquaient
beaucoup moins la contagion.
o-o-o
Et de nos jours ? Statistiquement, l’espérance de
vie (et donc la crainte de mourir avant l’âge) est un indice de développement d’un
pays. Les pauvres boliviens n’ont guère l’espoir de vivre au-delà de la
cinquantaine, quand nous, nous fleuretons avec les 80 ans. Les pauvres meurent
avant les riches, et c’est un indice non pas seulement de développement mais de
justice sociale que de combler les inégalités devant la mort.
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(1) Rappelons que la 1ère épidémie atteignit l’Europe
en 1347
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