La culture nous apparaît d'abord comme la connaissance de ce qui a fait de l'homme autre chose qu'un accident de l'univers.
Malraux
Hier commentant le rôle de la culture dans l’aventure
humaine nous rappelions le scepticisme de Platon : selon lui, Zeus a été
obligé de compléter les inventions techniques qui permettent aux humains de
survivre, en leur imposant les bornes de la Pudeur
et de la Justice pour éviter les
guerres et les massacres par les quels l’humanité se détruisait elle-même. (1)
Mais il y a deux choses que Platon a oubliées de dire :
1 – Il n’a pas songé que la sagesse manquait encore aux
hommes (sans doute était-ce trop évident pour avoir à le rappeler) :
« Rien de trop » telle
était la devise des sages Grecs et on voit bien aujourd’hui encore combien
rares sont les hommes qui la respectent. Autrement dit, ce qui nous manque,
c’est le respect de la juste-mesure :
quoi de plus évident aujourd’hui ? Quand donc aurons-nous eu assez ? Assez d’argent, assez de
profit, assez de jouissance, assez de vengeance ?
2 – Ajoutons qu’à son époque, Platon ne voyait pas de
danger pour l’homme en dehors des rapports qu’il entretenait avec ses
semblables. Mais aujourd’hui il ajouterait sans doute volontiers les risques
liés à notre rapport avec l’environnement : déforestation, dénaturation du
climat, destructions de la faune, de la flore, empoisonnement de l’air et de
l’eau…Rien de tout cela ne serait possible sans l’extraordinaire essor des
techniques que nous avons inventées grâce à Prométhée.
Rien de trop… Comment retrouver le sens de la juste mesure ? Comment savoir
que nous devons avancer jusqu’à ce point et pas au-delà ?
Mais on l’a dit : comment s’étonner que nous
ignorions ce principe, alors même que les Grecs de l’Antiquité avaient besoin
des pires menaces pour le respecter ? Les Tragédies de leur époque le
répètent systématiquement : l’hubris
(= la démesure) est la faute qui est punie le plus systématiquement et le plus
férocement par les dieux ; car sans cela des crimes sans limite dans
l’atrocité étaient commis (2). Imaginez un peu ce que cela peut donner quand
c’est à la Terre qu’on s’en prend ?
o-o-o
Hier, nous appelions Zeus au secours de notre voisin de
palier – aujourd’hui ce sont tous les Dieux de l’Olympe qu’il faudrait
convoquer pour sauver la Planète.
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(1) « Quand
ils étaient rassemblés [dans des Cités], ils se faisaient du mal les uns aux
autres, parce que la science politique leur manquait… » (Platon – Protagoras
321a).
(2) Voir le festin qu’Atrée servit à son frère
Thyeste : Atrée non seulement tua
les deux des fils de Thyeste mais aussi les fit bouillir dans un chaudron et
les servit à leur père, au cours d’un banquet. Lorsque Thyeste eut mangé l'horrible
repas, Atrée fit apporter le plat contenant les têtes sanglantes des deux
enfants.
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