[L’]originalité, consiste à se priver de certaines choses. La personnalité s’affirme par ses limites.
Gide – Journal (13
septembre 1893)
Omnis determinatio est negatio (Toute détermination est une négation)
Spinoza – Lettre 50
(du 2 juin 1674 à Jarig Jelles)
Une discussion sur cette formule existe : certains affirment que
Spinoza n’a pas écrit exactement cela, mais que c’est Hegel qui l’a reprise en
rajoutant « omnis » - Quant à moi, je n’ai pas retrouvé le texte
original de Spinoza – donc je n’ai pu vérifier.
Commentaire II
Cette formule, Spinoza l’utilise pour faire comprendre ce
que c’est qu’une figure (par exemple
un carré ou un cercle) : ce sont les côtés, ou les « bords » qui
font que le carré est différent du rectangle ou d’un cercle. Ce sont donc les
frontières qui donnent aux choses matérielles leur caractéristique – et comme
toute frontière, ce qui détermine isole ;
et ce qui isole exclut tout ce qui
est extérieur.
Mais s’agit-il comme le prétend Gide d’une
privation ? On imaginerait alors la personnalité
comme une statue de marbre, qui ne pourrait se dégager du bloc de pierre qu’en
éliminant toutes les autres formes qu’on aurait également pu tirer de ce
bloc : la Vénus de Milo est issue d’un bloc qui aurait pu aussi prendre la
forme d’un Apollon ou d’un Dionysos…
Toutefois, comme le fait judicieusement remarquer
Christophe Sabattier (voir ici), à côté de cette détermination par élimination
il y a aussi la détermination par la croissance : au lieu de souligner la
négation on souligne l’affirmation. Une plante ne devient ce qu’elle est, conformément
à son essence, qu’en s’accroissant par ajouts successifs. C’est pour l’esprit
du botaniste que le chêne se définit comme étant ce qui n’est pas un pin ;
mais pour l’arbre en question, il ne s’agit que d’ajouter un cerne de bois de
plus chaque année, et pour cela il doit transformer de la substance vitale
contenue dans la terre en bois-de-chêne
Reste que je ne suis pas du bois dont on fait les chênes,
mais tel homme, celui qui a choisi à tel moment de faire de la philosophie
plutôt que de devenir forestier.
On supposera que je ne peux faire les deux : il faut bien choisir et donc
exclure la carrière d’homme des bois – toutefois, il me restera encore à
inventer ce que je serai par-là, quelle sera ma manière de devenir philosophe.
D’ailleurs, il n’y a de négation que par rapport à ce qui
existe déjà, ce qui fonctionne bien avec les figures géométriques de Spinoza,
mais pas avec la personnalité humaine.
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