Être esclave c’est être arraché à sa famille, à sa parenté, à ses amis et à son village, privé de son nom, de son identité et de sa dignité ; de tout ce qui fait de quelqu’un une personne et non une pure machine humaine capable de comprendre des ordres.
David Graeber –
Dette : 5000 ans d’histoire
S’il y a quelque chose d’irritant chez les philosophes
des lumières (Rousseau en tête), c’est l’abus qu’ils font du substantif « esclave » : les peuples sont esclaves des tyrans, certains hommes
sont esclaves de leurs passions, les
autres sont esclaves de leur paresse,
etc… N’importe quoi, n’importe qui, en contrariant la nature humaine, en
brimant sa spontanéité ou sa liberté suffit à faire un esclave.
La citation de David Graeber le rappelle : c’est
beaucoup plus grave que cela. La notion d’esclavage n’est pas seulement psychologique, pas seulement juridique, elle
est aussi sociale.
1 – Ce dont est victime un esclave c’est d’être arraché à
son milieu : famille, village, patrie.
2 – Ensuite, il est privé de son identité et puis
également il cesse d’être une personne, c’est-à-dire un sujet de droit.
3 – Enfin, l’esclave est défini somme une machine qui
comprends les ordres, et cette fois l’aliénation est métaphysique. C’est là
qu’on rejoint les philosophes du 18ème siècle : en devenant
esclave, l’homme cesse d’être homme.
Mais du coup on peut imaginer le progrès technique comme
limitant voire même supprimant l’esclavage. Marx disait que la mule-jenny contribuait
à abolir l’esclavage mieux que les traités de philosophie (1). Nul doute que
l’ordinateur, en permettant à la machine de comprendre les ordres, devrait
mettre fin aux dernières aliénations du travail.
Toutefois, quand on voit la condition des népalais sur
les chantiers qataris, on se dit que même si le point 3) a disparu, les points
1) et 2) restent – et ça suffit bien.
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(1) « l’on ne peut abolir l’esclavage sans la
machine à vapeur et la mule-jenny » (première machine à filer
automatique). (Marx, L’idéologie allemande)
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