Pourquoi suis-je né si ce n'était pas pour toujours ?
Ionesco – Le Roi se
meurt (On trouvera cette citation et bien d’autres dans
l’excellent Blog de Frankie : c’est ici !)
Commentaire I
Pourquoi suis-je né si ce n'était pas pour toujours
?
: voilà la question que tout homme se pose, et surtout s’il
est roi (1). Seulement voilà : si même les rois doivent mourir un jour,
c’est bien que la mort est inévitable…
Mais attention : avant de poser la question du
« Pourquoi » mourir,
Ionesco pose la question du « Comment »
peut-on mourir ?
En effet pour qui est en vie, la mort survient comme dit
Sartre « par-dessus le marché ». Voyez ce soldat foudroyé en plein
assaut :
Robert Capa - Guerre
Civile en Espagne, Mort d’un soldat (1936)
Pour ce soldat, fauché en plein élan il n'y a pas de place pour la crainte de mourir. Pour lui, la mort n’existe
pas, car comme le dit Epicure « tant
que nous existons la mort n'est pas, et ... quand la mort est là nous ne sommes
plus.». La mort n'existe que pour ceux qui sont saisis par l’idée qu'ils vont mourir.
Le roi de Ionesco sait qu’il va mourir… dans une heure et demie ! Il a une heure et demie pour se préparer à mourir : mais qu’est-ce que ça veut dire « se préparer à mourir » ? Méditer sur notre vie qui va s’en aller ? Prier Dieu pour qu’il nous accueille dans son Paradis ?
Le roi de Ionesco sait qu’il va mourir… dans une heure et demie ! Il a une heure et demie pour se préparer à mourir : mais qu’est-ce que ça veut dire « se préparer à mourir » ? Méditer sur notre vie qui va s’en aller ? Prier Dieu pour qu’il nous accueille dans son Paradis ?
Pas du tout ! Béranger 1er (le roi de
Ionesco) va se dépouiller de tout ce qu’il possède. Comme Guillaume le Maréchal dont Duby nous a conté la fin, il doit
repartir comme il est arrivé, tout nu. Pour « se préparer à mourir » on doit déposer progressivement tout ce
que nous avons acquis durant notre vie, à commencer par notre vie elle-même :
mourir par extinction progressive, et même si on ne le veut pas : les
vieux meurent par petit bout : un jour plus de sexe ; un autre plus
d’oreille, plus d’œil ; le troisième plus de mémoire…
Se préparer à ça, c’est, comme on le dit aujourd’hui lâcher prise.
Cette curieuse expression est employée à présent dans un
sens positif : même si la
société moderne s’y oppose, il faut nous dit-on savoir – de temps à autre –
« lâcher prise », se laisser aller, ne plus luter, accepter ses
limites.
o-o-o
Donc, ou bien vous allez mourir comme ça – paf ! comme la bulle de savon qui
pète – et alors vous ne saurez jamais que vous mourez. (2)
Ou bien vous liquidez tous les contentieux de votre vie,
vous donnez tous vos biens de votre vivant – bref : vous relisez Marie de Hennezel.
La suite à demain… si vous le voulez bien !
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(1) N’oublions pas le 1er Empereur de Chine
(c’est celui de l’armée enterrée) qui voulait assurer son éternité par
l’extraordinaire tombeau qu’il s’est fait construire : tombeau si
impressionnant qu’aujourd’hui encore, les chinois en font le tour sans oser
pénétrer à l’intérieur.
(2) Le dernier film de Resnais « Aimer, boire et chanter » illustre
ce thème : Georges (qui sera l’Arlésienne du film) apprend qu’il doit
mourir d’un cancer fulminant dans 6 mois maximum. Ses amis – et surtout ses
amies – se pressent pour l’aider à vivre ses derniers jours : il vivra en
aimant, buvant et chantant. Il lui sera même accordé de mourir d’une autre
façon…
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