S’il était aussi facile de
commander à l’esprit qu’à la langue, tout pouvoir régnerait en sécurité et nul
gouvernement n’appellerait la violence à son secours.
Spinoza – Traité
théologico-politique – Chapitre XX
Pour Alain, il y avait moyen de conserver sa liberté de
parler (voir Post d’hier) – mais Alain vivait en démocratie. Spinoza sait bien
qu’une monarchie absolue ne tolère pas une telle exception. Et les puissants du
régime de Frédéric II le disent (toujours selon Kant) : ne raisonnez pas –
obéissez ! (1)
Pourtant, à supposer qu’on puisse empêcher la liberté
d’expression, il reste encore la liberté de penser. Les esprits peuvent librement
encore penser à condition que ce soit in petto. Selon Spinoza nul Seigneur ne saurait empêcher ses sujets de le
maudire et de l’affubler de tous ses sarcasmes, et c’est donc une prétention
ridicule que de vouloir gouverner les esprits, quand bien même on pourrait les
empêcher de parler
- Personne ne jouirait donc du pouvoir de gouverner les
esprits et les Gourous qui entrainent derrière eux des disciples hallucinés ne
seraient que des exceptions ? Spinoza (lire son chapitre XX) estime que la
pensée est tellement consubstantielle à la personne que pour la gouverner il faudrait
obtenir que chacun renonce à être lui-même ; et il semble que l’histoire
lui donne raison et que partout les despotes aient trouvé devant eux une pensée
toute armée qui surgissait l’occasion aidant. Comme si, tout en courbant
l’échine, chacun avait médité la perte du tyran.
o-o-o
Spinoza a-t-il vu juste ? La pensée est-elle si
importante dans la vie de chacun ? Sommes-nous tous pétris de nos opinions
personnelles au point d’en faire un composant intime de notre essence ?
J’entends bien que celui qui achète des électeurs
n’achète en réalité que des bulletins de vote et non des partisans. Mais on
n’en n’est plus là. Le despote d’aujourd’hui est un spécialiste en manipulation
des esprits. Et comment fait-il pour gouverner les esprits ? Il ne cherche
pas à gouverner des entendements : il gouverne des passions.
- Les voyez-vous,
tous ces Juifs qui sournoisement dirigent la presse et la finance !
Hé bien si vous parvenez à les chasser, méfiez-vous ! Ils seront remplacés
par des barbus intégristes qui vont pousser vos jeunes à partir en Syrie faire
le jihad et qui vont revenir chez nous tirer dans le tas.
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(1) « Mais j'entends présentement crier de tous
côtés : "Ne raisonnez pas" ! L'officier dit : "Ne raisonnez pas,
exécutez !" Le financier : "Ne raisonnez pas, payez !" Le prêtre
:" Ne raisonnez pas, croyez ! » Kant – Qu’est-ce que les
lumières ?
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