Le travail pense, la paresse songe.
Jules
Renard – Journal
Commentaire
I
La pensée, cette merveille qui fait de
l’homme une créature unique, est aussi une puissante révélatrice de la nature
humaine : c’est elle qui fait non seulement le sujet individuel (Je pense donc je suis), mais encore elle caractérise l’espèce : l’homme est
un animal-pensant.
Seulement ce n’est pas tout. Car pour
penser encore faut-il travailler, et non paresser : la paresse songe dit Jules Renard.
Qu’est-ce à dire ? Pas de pensée
sans effort ? Et qu’apporte donc l’effort ? Une continuité orientée
vers un but ? Un enchaînement efficace – donc logique ? Un résultat
évaluable ?
Mais alors, question essentielle :
à quel travail « songe » donc Jules Renard ? S’agit-il d’un
travail spécifique à l’action de penser, ce que les philosophes entendent
généralement quand ils parlent de « penser » comme d’une action
propre à l’homme (dans le sillage de Descartes) ? Ou bien de ce qui
accompagne tout travail, que ce soit celui du rat de bibliothèque – ou celui du
terrassier ?
Et le terrassier, à quel moment
pense-t-il ? Quand il manie sa pelle ou bien quand il reprend sa
respiration, appuyé sur la manche de sa pelle ?
Quoiqu’il en soit, le travail spécifique
à la pensée – nommons-le « travail intellectuel » –existe
effectivement, car il engendre une fatigue bien particulière. C’est
d’ailleurs ce que les travailleurs
manuels (comme par exemple les terrassiers) ont du mal à comprendre :
comment peut-on être fatigué quand on a passé la journée entière assis sur sa
chaise à gratter du papier (ou taper sur un clavier). Qu’est-ce que c’est que
cette fatigue qui ne nous empêche pas d’aller courir 10 kilomètres en sortant
du bureau ?
Il a fallu attendre jusqu’à aujourd’hui
pour mieux comprendre ce qu’est la fatigue du cerveau, liée à la dépense de
médiateurs chimiques qui ne se régénèrent que pendant le sommeil. Le cerveau
est comme une pile qui se rechargerait la nuit et se déchargerait le jour.
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