La plèbe se damne par la chair jouissant
contre l'esprit et le savant, lui, par l'esprit qui jouit contre la chair.
Lichtenberg
(1742-1799) – Aphorismes
Pour l’instant, je ne baise pas, je vous
parle, eh bien ! je peux avoir exactement la même satisfaction que si je
baisais. …
Lacan
– Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Seuil, 1973, p. 151.
(Lire le passage ici – Note 9)
Partons donc avec Lichtenberg de l’idée
que la jouissance nous mène droit en enfer. Et donc que peu importe la façon de
jouir, car ce qu’il faudrait, c’est ne pas jouir de tout. Alors que dans le
roman de Balzac (1), c’est le désir qui nous perd, ici c’est le plaisir. Et pas
n’importe quel plaisir : il s’agit de la délectation de l’artiste ou du
savant qui éprouve devant son œuvre une volupté qui évacue toute autre forme de
plaisir : on est carrément dans la formule de la sublimation, comme le
rappelle Lacan (citation ci-dessus).
- Comment ! La pure jouissance de
l’Esprit qui contemple son œuvre serait coupable ? Mais alors, ceux qui
élèvent leur âme jusqu’à Dieu ne risquent-ils pas de se damner d’en éprouver
une douce félicité ?
- Si fait et nous devons sans cesse
demander à Dieu de nous accorder Sa grâce pour nous permettre d’échapper au
bourbier de notre nature corrompue par le Péché Originel…
…. Voilà que je retombe dans mon travers
ricanant. J’en demande pardon. Mais s’il y a quelque chose que Lichtenberg dit
quand même explicitement, c’est qu’entre le gros porc qui se gave de vin et puis
qui fornique comme une bête – et le savant qui découvre la Relativité (ou le
poète qui écrit les Contemplations) :
il n’y a du point de vue du plaisir aucune différence. Dans tous les cas le
résultat est le même.
Et ça, c’est quand même fort ! Car
voilà ratatiné le critère qui permet de différencier l’élite de l’humanité de
la fange humaine. Alors, ne risque-t-on pas de devenir misanthrope ? Que
les débauchés et les Poètes du Parnasse soient mis sur le même plan, voilà qui
révolte – à moins bien sûr d’être un hédoniste convaincu : chacun prend
son plaisir où il le trouve, à condition de ne pas porter atteinte à la liberté
ni à l’humanité d’autrui.
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(1) Il s’agit bien sûr de La peau de chagrin
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