Vous me direz que je veux donc vivre éternellement ; point du tout : mais si on m’avait demandé mon avis, j’aurais bien aimé à mourir entre les bras de ma nourrice ; cela m’aurait ôté bien des ennuis, et m’aurait donné le ciel bien sûrement et bien aisément.
Madame de Sévigné – Lettre à
Madame de Grignan du 16 mars 1672 (à lire ici)
Voilà un point de vue bien
original : au lieu de faire – comme les pessimistes – de la naissance un
malheur, la Marquise tout en admettant que la vie est, dans son écoulement, faite
de souffrances, considère qu’elle mérite d’être quand même vécue – Oui, mais
seulement durant très-très peu de temps. Juste ce qu’il faut pour en jouir sans
avoir la peine d’y souffrir. Mourir en
bas âge, dans les bras de sa nourrice. Voilà le meilleur.
De quoi souffrons-nous selon Madame de
Sévigné ? Nous souffrons d’incertitude devant les innombrables maux qui
peuvent nous accabler. Lisez donc sa lettre (1) : on y voit que ces maux
ne se limitent pas à cette vie, mais qu’ils peuvent encore nous guetter post mortem – Enfer ou Paradis ?
Quant à nous : avons-nous dominé
ces angoisses ? Avons-nous l’assurance de pouvoir nous épargner ces maux
quels qu’ils soient ? Avons-nous réglé notre débat entre le néant et la
vie éternelle ?
Hélas ! Comme madame de Sévigné,
nous avons toujours peur de l’avenir, c’est-à-dire de la décrépitude et de la
mort. Comme elle je suppose, nous faisons bonne figure : nous faisons du
sport pour tonifier nos muscles avachis ; nous avons plein de crèmes anti-âges ;
nous continuons à acheter plein de joujoux numériques pour être au top-niveau
du progrès et parler d’égal à égal avec les djeun’s.
Mais voilà, lorsque nous questionnons
notre miroir, le matin dans la salle de bains : que nous répond-il ?
- Allez, reprends encore un petit
Lexomil, ça ira mieux !
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(1) Pour les paresseux du clic, voici un
extrait : « comment en
sortirai-je (= de la vie) ? par où ? par quelle porte ? quand sera-ce ? en
quelle disposition ? Souffrirai-je mille et mille douleurs, qui me feront
mourir désespérée ? aurai-je un transport au cerveau ? mourrai-je d’un accident
? comment serai-je avec Dieu ? qu’aurai-je à lui présenter ? la crainte, la
nécessité feront elles mon retour vers lui ? n’aurai-je aucun autre sentiment
que celui de la peur ? que puis-je espérer ? suis-je digne du paradis ? suis-je
digne de l’enfer ? Quelle alternative ! quel embarras ! »
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