Sommes-nous si intéressants que nous devions infliger notre présence au monde futur à travers celle de notre progéniture ? Depuis que j'ai compris cela, rien ne m'attriste autant que cet attachement narcissique des hommes aux quelques molécules d'acide désoxyribonucléique qui sortent un jour de leurs organes génitaux.
Henri Laborit - Éloge de la fuite
Laborit fait sans doute allusion ici aux thèses néo-darwiniennes selon les quelles le ressort secret de tout être vivant (la volonté de vivre de Schopenhauer) est de diffuser ses gènes à travers sa descendance : l’homme recherche la femme féconde, la femme cherche l’homme robuste, chacun veut faire des enfants et qu’ils survivent pour engendrer à leur tour, ce qui veut dire : transmettre les gènes qu’ils ont reçu et ainsi perpétuer leurs aïeux. La science a relayé la morale, qui depuis longtemps fait de la fécondation la justification de la sexualité.
Faut-il donc se soucier « du plat souci de la propagation de l’espèce » ? L’expression est de Sade, dont on sait qu’il ne considérait pas que le but de la vie était de procréer. Si on se tourne vers la Bible, on voit qu’effectivement la propagation de l’espèce est bien la justification de la sexualité : tout la monde connaît l’onanisme, presque tout le monde sait qu’on fait ici allusion au « péché d’Onan » (Genèse 38 :7 et 9). Mais contrairement à ce qu’on croit, il ne s’agit pas vraiment de satisfaction solitaire. Voici l’histoire : Onan avait reçu l’ordre du Patriarche Juda - son père - d’épouser Tamar - sa belle-sœur - qui était devenue veuve sans avoir eu d’enfant, afin de lui donner une descendance. Supposez que votre belle-sœur soit une mocheté ou que son caractère soit hyper-toxique : que faites-vous ? Hé bien, Onan, en présence de la dame, s’est masturbé, montrant ainsi qu’il préférait répandre sa semence sur le sol plutôt que de la féconder : l’onanisme est d’abord le refus de la procréation (1).
Généralisons : on comprend bien que ce refus soit un abominable péché parce que qu’il consiste à désobéir au Seigneur ; mais on ne peut oublier que la revendication d’Onan soit d’abord celle du droit de décider par lui-même d’engendrer ou de ne pas engendrer. Au fond, il s’est trouvé dans la même situation que les femmes qui ont revendiqué le droit à la contraception.
Avec Onan, la première méthode contraceptive de l’histoire humaine apparaît : c’est la masturbation.
(1) Quant à ce qu’il advint d’Onan, sachez que le Seigneur-Dieu l’a occis pour lui avoir désobéi. Mais l’histoire n’est pas finie : Tamar se déguise en prostituée, séduit Juda (= son beau-père) et conçoit ainsi un enfant. Croustillantes les histoires bibliques, hein ? Quand au péché des habitants de Sodome, je vous raconterai ça une autre fois.
1 comment:
Navré d'avoir à te contredire, mais,
contrairement à ce que tu prétend, Tamar était belle, et encore, le mot est faible.
Le péché d'Onan était motivé par son refus de voir sa magnifique épouse déformée par une grossesse, il ne dédaignait pas Tamar mais il "finissait dehors".
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