Citation du 6 octobre 2008

Un savoir non partagé humilie ceux qui n'y ont pas accès.

Boris Cyrulnik - L'Ensorcellement du monde

Un débat, une discussion qui tournent mal : on s’énerve, on voudrait se débarrasser de l’autre, lui faire mal, l’humilier.

Admettons qu’on n’ose pas lui dire trop de vacheries. Ce qu’on fait alors, au lieu de monter le ton, c’est monter le niveau de langage : on fait appel à un vocabulaire châtié ; ou alors on réfère à des connaissances qu’il n’a probablement pas. On l’humilie par notre savoir qui l’écrase parce qu’il ne le possède pas.

C’est ça que pointe Cyrulnik, et ça pose la question de l’importance de la science ; comment se fait-il qu’on peine quand on est en présence de celui qui la possède, alors même qu’on ne s’y intéresse pas suffisamment pour faire l’effort de l’acquérir ?

Alors bien sûr, il y a des limites : si quelqu’un me toise de haut parce que je ne connais pas les performances d’un pur-sang, ni le palmarès d’un jockey, ça ne me fera ni chaud ni froid. Ce qui ne serait pas le cas si j’ignorais le dernier livre de tel essayiste célèbre – celui dont tout le monde parle.

Peut-être touchons nous là à l’essentiel. C’est que le savoir est un marqueur social ; comme le langage, il signe l’appartenant à un groupe défini, et plus encore à une élite par rapport à ce groupe.

Le savoir n’est donc pas seulement un marqueur social ; il est aussi l’indice de l’appartenance à l’élite.

Et cette élite peut être celle des savants en philosophie, en musique, en science physique ou en football – qu’importe ? Ce qui compte, c’est qu’il s’agisse de ce qui permet d’identifier les initiés, et de les séparer des autres. (1)

Lorsqu’on me fait sentir intentionnellement mon ignorance, c’est pour m’exclure du groupe, pour m’ostraciser.

Comment ? Vous ignorez ce que signifie le verbe ostraciser ???

(1) En parlant d’initiés, on devine que les sectes ésotériques, comme étaient les francs-maçons, faisaient exactement cet usage de la (= de leur) science