On fait des reproches à un amant ; mais en fait-on à un mari, quand on n'a qu'à lui reprocher de n'avoir plus d'amour ?
Madame de La Fayette
Madame de Lafayette a une façon elliptique de s’exprimer : c’est ce qui fait son élégance et son efficacité. Comme on est loin de la lourdeur de notre pauvre langue d’époque sarkozyenne... Pour développer sa pensée, deux commentaires ne seront pas de trop.
Commentaire 1.
Les femmes au 17ème siècle avaient beaucoup de chance : elles n’avaient pas à attendre de leur mari qu’il les aime. Pour cela elles avaient leurs amants – quant au mari, il assurait l’intendance et basta !
Réciproquement, on peut facilement imaginer que les maris ne demandaient pas les mêmes choses à leurs épouses et à leurs maitresses. Cette façon de concevoir les choses a duré – et bien au-delà du siècle de madame de La Fayette : encore au 19ème siècle on voit que les maris entretenaient des liaisons extra-conjugales quand ils en avaient les moyens, ou qu’ils allaient au lupanar sans que quiconque s’en étonne : il n’aurait quand même pas fallu attendre des épouses qu’elles donnassent (1) à leur mari ce que leur maitresse leur consentait.
-->Y compris l’amour ?
Bien entendu : les bourgeois du 19ème siècle pouvaient avoir des poules pour satisfaire leur libido ; ils n’auraient pas songé à leur demander en plus de l’amour.
J’imagine que la division des rôles à l’époque de madame de La Fayette allait encore plus loin : outre le mari il y avait de la place pour deux types d’amants : l’un pour les sentiments (celui à qui on peut reprocher de n’avoir plus d’amour), et encore un autre pour la jouissance. C’est Brantôme qui nous éclaire sur ce sujet : les dames galantes n’hésitent jamais, nous dit-il, à faire cocu leur mari quand l’occasion s’en présente (2).
J’imagine donc qu’à l’époque de madame de La Fayette, chaque femme avait besoin de trois hommes pour la satisfaire :
- un mari ;
- un amant de cœur ;
- un amant de lit.
Pensez-donc, mesdames, à la tragédie des hommes modernes, qui doivent maintenant assumer tous ces rôles à la fois (sans compter ceux de papa-poule, de plombier et de pelleteur de neige en hiver). Alors, que les féministes gémissent sur les pauvres femmes qui doivent être des épouses, des ménagères, des mères, et en plus qui doivent être des femmes d’action et faire carrières : pourquoi pas ? Mais sont-elles les seules à plaindre ?
(A suivre)
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(1) Ça, je n’ai pas pu l’éviter ; c’est l’influence de Madame de Lafayette…
(2) Le premier discours de cet ouvrage s’intitule d’ailleurs : « Sur les dames qui font l’amour et leurs maris cocus »
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