La vraie science est une ignorance qui se sait.
Montaigne – Essais
Le beaucoup savoir apporte l'occasion de plus douter.
Montaigne – Essais
Que vaut la science ? Je veux dire : que valent, non pas ses applications, mais les connaissances qu’elle apporte ?
On peut en effet obtenir toute sorte d’effets utiles en mettant en œuvre des connaissances complètement erronées. Sans vouloir me fâcher avec les chinois dont je respecte énormément la Civilisation, la médecine chinoise (et l’acuponcture en est un exemple) me parait, en tant que science, des plus fantaisistes – même si elle guérit ses malades.
Donc, si on écarte les succès techniques, reste que la science doit d’abord nous apporter des certitudes. Or, voilà que Montaigne nous dit : Le beaucoup savoir apporte l'occasion de plus douter.
Et d’évoquer sans le dire Socrate qui se vantait de son non-savoir : Je suis le plus savant des Athéniens parce que moi, je sais que je ne sais pas.
La docte ignorance (1) est donc ignorance qui se sait, une ignorance consciente d’elle-même. On peut en effet ignorer sans le savoir : ignorer ce qui se passe à l’autre bout de l’Univers ; on peut encore ignorer ce qu’on croit dur comme fer savoir. En revanche comment savoir qu’on ne sait pas ?
--> En touchant les limites de notre savoir : je sais que je sais jusque-là et pas plus loin. Ce qui renvoie aux frontières du savoir – ou aux trous qui le percent.
--> Mais aussi en doutant de notre science, en sachant que notre savoir est peut-être provisoire, qu’il est une vérité admise jusqu’à maintenant, mais qu’une nouvelle expérience risque bien de le remettre en cause demain.
Moyennant quoi, la vérité, comme dit Popper, n’est jamais que « verisimilitude ». D’ailleurs le terme est de Montaigne, justement (Apologie de Raymond Sebond – cité ici)
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(1) J’emprunte l’expression de Nicolas de Cues sans prétendre en évoquer le contenu spécifique.
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