Saturday, November 05, 2011

Citation du 6 novembre 2011

Quand elle fut couchée, la petite fille dit :
– Oh, ma [Mère] grand, que vous êtes poilouse !
– C'est pour mieux me réchauffer, mon enfant !

Le petit chaperon rouge, tradition orale. (Lire ici en cliquant sur Français dans le paragraphe "Tradition orale")

Sur le site référencé on nous explique que les contes de Perrault ou de Grimm appartiennent souvent à un fonds de récits antérieurs et qu’on retrouve parfois dans la Tradition orale.

Avec le conte de notre enfance, on devinait sans mal que l’ambiguïté du Petit chaperon rouge tenait à sa naïveté face aux séductions du loup, et qu’il fallait l’interpréter comme une leçon sur les dangers de la séduction et de la sexualité. Et Perrault enfonce lourdement le clou (la chevillette ?) dans sa Morale (cf. ici). On se doutait, avec raison, que la tradition ne s’embarrasserait pas de telles litotes.

On croyait alors que par ailleurs, la tradition orale se bornait à véhiculer un vocabulaire savoureux et désuet : Oh, ma [Mère] grand, que vous êtes poilouse ! Et d’imaginer le petit dernier déclarant cela à sa Grand-mère qui a du poil au menton…

Mais on ne devinait tout de même pas qu’on allait nous raconter que c’est le Petit chaperon rouge qui mange la mère grand et qui, pour faire bonne mesure boit son sang (1). Et, comme si ce repas cannibale ne suffisait pas, voilà de la scatologie, avec le Loup qui invite l’aimable Chaperon rouge à faire ses besoins dans le lit…

D’où vient donc cette version du conte ? De la « tradition orale ». Mais, qu’est-ce que la tradition orale ? Sans doute des conteurs qui, à la veillée, charment leur auditoire et le tiennent en haleine avec des mots surprises (2) et des contournements de tabous. Ici, point de morale édifiante, point d’allusions scabreuses : tout est dit, tout est souligné, tout est nommé.

On peut penser que ce conte est destiné à des paysans qui n’ont pas l’habitude de finasser avec des mots. Certes.

Mais tout de même, on est loin des Contes de Fées dont Bruno Bettelheim nous dit qu’ils sont destinés à aider les petits enfants à grandir en affrontant leurs désirs et leurs terreurs.

Scatologie et cannibalisme : ici, il s’agit de satisfaire les désirs les plus archaïques, et sans détour.

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(1) Pour les paresseux qui ont eu la flemme de cliquer pour retrouver le texte, cet extrait :

« Et le bzou [le Loup] arriva chez la Mère grand, la tua, mit de sa viande dans l'arche et une bouteille de sang sur la bassie.

La petite fille arriva, frappa à la porte.

– Pousse la porte, dit le bzou. Elle est barrée avec une paille mouillée.

– Bonjour, ma grand, je vous apporte une époigne toute chaude et une bouteille de lait.

– Mets-les dans l'arche, mon enfant. Prends de la viande qui est dedans et une bouteille de vin qui est sur la bassie.

Suivant qu'elle mangeait, il y avait une petite chatte qui disait :

– Pue !... Salope !... qui mange la chair, qui boit le sang de sa grand. »

(2) Comme on l’a vu ci-dessus, dans cette version, le Loup est nommé le « Bzou ». Je ne sais pas, mais je me doute qu’il n’y a pas un patois dans lequel le Loup porte ce nom.

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