Sunday, December 04, 2011

Citation du 5 décembre 2011

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? / […] / Accroupis sous les dents d'une machine sombre, / Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre, / Innocents dans un bagne, anges dans un enfer, / Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.

Victor Hugo, Melancholia 1838 – Les Contemplations

Melancholia 3

Le travail des enfants… Ce poème de Victor Hugo qui le dénonce en 1838 (date de sa composition probable, la publication du recueil des Contemplations étant de 1856), décrit des enfants livrés à double barbarie, celle du travail et celle du machinisme.

On a dit (1) que les lois françaises réglementant le travail des enfants ont été décidées au 19ème siècle en raison des difformités constatées chez les jeunes conscrits : le travail précoce les rendait inaptes au métier de soldat. Je ne sais pas : en tout cas, il y a eu des opposants à la législation restrictive sur le travail des enfants et ils mettait en avant :

1 – la nécessité de leur présence dans les mines ou dans les usines pour en assurer le rendement, « Peut-on les faire entrer aux filatures à huit ans révolus seulement, ne les faire travailler que quarante-huit heures par semaine, et veiller à ce qu’ils aient deux heures d’enseignement primaire par jour ? » (Extrait du débat de la Chambre des députés – lire la suite ici)

2 – et… l’absolue liberté des pères dans la décision de faire ou non travailler leurs enfants. Sans commentaire.

--> On dira que tout ça n’a d’intérêt qu’historique et que rien de tout cela n’existe plus aujourd’hui.

Bien sûr…

Sauf que de nos jours, c’est l’école elle-même qui est bâtie sur le modèle de l’entreprise, et l’écolier qui doit se plier aux règles de la concurrence des travailleurs. L’éviction de la pédagogie dans la formation des enseignants, le rôle promis au chef d’établissement dans le recrutement et l’évaluation des profs (2) qui en fait un DRH, tout cela montre que l’Ecole a bien pour rôle d’imprégner les enfants et les adolescents de la « culture de l’Entreprise ».

Du coup, c’est l’école émancipatrice, celle qui se donnait pour mission de former des citoyens en développant leur esprit critique et leur capacité à former un jugement autonome qui est révolue. Ce qu’on attend d’elle maintenant, c’est que, des enfants, elle fasse de jeunes adultes capables de trouver un emploi sur le marché du travail ; et la tâche de les adapter aux exigences du marché de l’emploi est si prégnante qu’il ne reste rien pour le soin de l’épanouissement de l’individu.

Ceux qui ne me croient pas peuvent regarder dans la réalité de l’enseignement : quelle place est dévolue aux arts plastiques, à la musique, à la philosophie et… à la littérature (oui, la Princesse de Clèves est morte et ce n’est même pas Notre-Président qui a eu sa peau) ?

Et je ne dis rien de l’histoire, de la géographie, des mathématiques (3), de l’économie…

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(1) Il me semble que c’est dans une note du Capital de Marx (Tome 1)

(2) Rappelons que le chef d’établissement ne vient pas nécessairement du monde enseignant.

(3) N’importe quel prof de maths vous dira que les mathématiques ne sont plus enseignées dans les collèges ni dans les lycées, et qu’il faut attendre la fac ou les classes préparatoires pour entendre parler de la démonstration – sans laquelle les maths n’existent.

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