On sait ce conte d’un suisse : on lui avait consigné une porte des Tuileries, avec défense d’y laisser entrer personne. Un bourgeois s’y présente : on n’entre point, lui dit le suisse. Aussi, répond le bourgeois, je ne veux point entrer, mais sortir seulement du Pont-Royal... ah ! S’il s’agit de sortir, reprend le suisse, monsieur, vous pouvez passer
Helvétius – De l'esprit (Discours I, ch. 4 p.38) – Publié en 1758, à télécharger ici.
A l’intention de nos amis francophones : la désastreuse habitude des français de se moquer des belges en racontant de « savoureuses » histoires les mettant en scènes de façon ridicule relève d’une tendance profonde et encore plus coupable qu’on ne le croyait.
En témoigne cette histoire racontée par Helvétius (1). On peut admettre que nos histoires belges ne sont la plupart du temps que des adaptations d’histoires beaucoup plus anciennes où l’on a biffé le mot « suisse » pour mettre le mot « belge ».
Bref, on a besoin de se moquer de nos voisins encore plus que des chinois ou des tartares. Pourquoi ?
Bien des réponses viennent à l’esprit. Je me contenterai d’en citer deux :
- D’abord, il faut que la bêtise soit le fait des individus et non l’aboutissement de c
ultures ou de rites incompréhensibles. Par exemple, la flagellation des chiites nous fait un effet terrifiant, mais on ne s’en moque pas alors que si un de nos voisins belge ou suisse en faisait autant, on trouverait bien le moyen d’en faire une pratique sotte et ridicule (comme de vouloir chasser les mouches qui collent sur son dos).
- Ensuite, la bêtise n’a d’intérêt que si elle nous glorifie de ne pas la partager. On ridiculise les autres simplement pour se grandir par comparaison. Encore faut-il que la comparaison soit possible.
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(1) Il faut néanmoins se reporter au contexte : Helvétius la raconte pour montrer qu’elle s’incarne dans la réalité historique chez les romains. (Voir le texte en téléchargement, page 38)
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