Toute philosophie dissimule aussi une philosophie ; toute opinion est aussi une cachette, toute parole aussi un masque.
Nietzsche - Par-delà le bien et le mal §289
Magnifique citation, qui disqualifie à l’avance tout commentaire, puisque celui-ci étant parole n’est qu’un masque de plus.
Mais aussi paralogisme insupportable, qui, comme le scepticisme, ne peut dire le vrai qu’à condition de se dédire (1).
Plusieurs interprétations :
- d’abord, celle de Descartes qui - rappelons-le - affirmait « Je m’avance masqué » (2). Autrement dit, le philosophe cesse d’être une personne privée, un sujet (que ce soit le sujet de la subjectivité, ou celui du monarque), pour devenir une raison que tous peuvent partager, avec la quelle la communication s’effectue sans perte ni distorsion.
- Michel Foucault a repris à son compte cette formule de Descartes, mais cette fois pour mettre en retrait l’auteur du livre : « Qu’importe qui parle ? ». Le masque est la voix off dans le film, celui que porte le narrateur dans le roman, ou le « raisonneur » dans le raisonnement. Ni auteur ni maître.
- Bien sûr, Nietzsche dit tout autre chose. Le solitaire qui parle ici (Nietzsche imagine que tout philosophe a commencé comme Zarathoustra par un retrait dans la caverne - celle de l’ours ou du Dragon ; pas celle de Platon) dit que l’on écrit des livres pour cacher ce qu’on pense vraiment.
Ce que nous avons en nous d’important n’est pas à dire. La vérité ne se partage pas ; la vérité est l’expression de la volonté, elle est commune avec ce que je peux créer par mes propres forces. Si la parole est l’interface qui me rapproche des autres, alors elle ne peut être authentique.
(1) Voir aussi le paradoxe du menteur.
(2) Cf. Post du 9 août 2006
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