Friday, April 04, 2008

Citation du 5 avril 2008

Pendant douze ans on a fait chambre commune mais rêve à part.

Michel Audiard - Dialogue du film Le Sang à la tête

Quand on partage la même chambre, il peut se faire qu’on partage le même lit.

Quand on partage le même lit, qu’est-ce qu’on partage en fait ?

Leroy-Ladurie rapporte dans Montaillou, que les ariégeois du 14ème siècle couchaient à plusieurs dans le même lit pour lutter contre le froid en hiver. C’est déjà ça.

Mais à part cette réponse, qu’est-ce que vous auriez à dire ? C’est trop intime ? Alors il faudra extrapoler à partir ce cette citation.

D’abord, relevons que le partage des rêves n’est pas ce qu’on attend essentiellement de l’autre quand on couche avec, puisque selon Michel Audiard ça peut durer 12 ans sans que ça ne casse. Alors, c’est quoi ce qu’on attend de l’autre ? L’élan de la nature au début, l’habitude ensuite, la recherche de chaleur en hiver, que sais-je encore ?

… Et si en réalité les rêves communs étaient importants mais qu’en fait on croit les partager, alors qu’on ne les partage pas du tout ? La dame qui se pâme entre vos bras, qui vous dit qu’elle ne se voit pas entre les bras de Brad Pitt ? Est-ce que vous de votre côté vous ne lui murmurez pas qu’elle est « jolie » … en ajoutant en secret « Angelina » ?

Bon, passons sur ces fredaines, venons-en à l’essentiel.

La réciproque de la citation de Michel Audiard, c’est qu’on n’a pas besoin de coucher ensemble pour partager les mêmes rêves. Ouf ! Nous voici sorti de la chambre à coucher.

Et si les rêves, c’est seulement ça qu’on pouvait vraiment partager, et avec ceux-là même qu’on ne connaît pas ? Et s’il n’y avait pas d’autre partage qui vaille ?

Je ne connais que les poètes pour ce partage de rêve. Un exemple ? Lisez Aragon, par exemple Elsa. Ne croyez vous pas que vous partagez avec lui un amour infini pour une femme que vous ne connaissez pas, qui n’existe probablement pas d’ailleurs, et que cet amour partagé vous donne un peu de bonheur ?

Amour partagé… s’il s’agit d’Aragon, vous me direz que c’est un amour partagé sans doute avec beaucoup d’autres qu’Elsa. Mais que voulez-vous ? Le rêve n’a pas besoin du support de la réalité pour s’épanouir.

C’est même ça qui fait son avantage.

2 comments:

Anonymous said...

Je relève votre exemple d'Aragon en me disant que peut-être l'Art nous apprend ainsi à nous rapprocher d'autrui. D'où son incontestable utilité, puisque l'Homme est un animal social (sociable ?).

Jean-Pierre Hamel said...

Je relève votre exemple d'Aragon en me disant que peut-être l'Art nous apprend ainsi à nous rapprocher d'autrui.
- Oui, c’est une idée qu’on n’évoque jamais, parce qu’on reste sur le stéréotype romantique de l’émotion artistique sublime qui nous élève au-dessus des autres, c’est-à-dire du commun des mortels.
Et si on disait que justement la pratique de l’art est un facteur de socialisation, à une époque où les moyens alloués à l’enseignement artistique fond comme neige au soleil ?