Il est sans doute très louable aux princes d'être fidèles à leurs engagements; mais parmi ceux de notre temps qu'on a vu faire de grandes choses, il en est peu qui se soient piqués de cette fidélité, et qui se soient fait un scrupule de tromper ceux qui se reposaient en leur loyauté.
Machiavel – La Prince (ch. 18)
La loyauté n’est pas une vertu politique.
Faut-il rappeler que Le Prince a été écrit au début du 16ème siècle (1) ? Oui, sans doute, tant son actualité le rapproche de nous. Car, si la tromperie et le mensonge en politique paraissent aujourd’hui déplaisants et même honteux il n’en reste pas moins que la sincérité et le « parler-vrai » sont mal perçus et en tout cas mal récompensés par les électeurs.
--> Examinons d’abord la sincérité. Les exemples ne manquent pas montrant que la transparence et la sincérité sont des faiblesses politiques, non pas seulement comme le supposait Machiavel parce qu’on donne alors des armes à l’adversaire, mais aussi parce que le peuple attend autre chose de celui qui gouverne.
Ainsi : Monsieur Sarkozy affiche avec la plus parfaite transparence non seulement ses convictions (religieuses, morales, etc. – je ne parle pas des engagements politiques, parce que c’est quand même la moindre des choses), mais encore certains détails de sa vie privée. Que se passe-t-il ? Il perd des points dans les sondages de popularité et on lui reproche finalement de ne pas être le souverain lointain et parcimonieux dans la divulgation de l’image de sa personne, comme il sied au Président de la République Française. Non seulement on ne lui demande pas la transparence, mais encore on la lui reproche.
--> Et la fidélité aux promesses ? C’est un peu plus compliqué. Mais Machiavel a bien cadré la chose. On peut mentir pour gouverner, parce que
– d’abord c’est permis par la « méchanceté des hommes » : tous se comportent avec fourberie, et le Prince n’a pas à déroger à cette règle sinon il met son pouvoir en danger.
– et qu’ensuite « ça marche » parce que les hommes sont naïfs et qu’ils croient plus ce qu’on leur dit que ce qu’ils voient (ou plutôt : ce qu’ils ne savent pas voir).
Pour finir, je dirai que si Machiavel a bien pointé l’efficacité de fourberie, il n’a peut-être pas suffisamment souligné que si le mensonge politique est une nécessité, même dans les démocraties, c’est parce que les gouvernants sont chargés d’une mission qui incombait autre fois aux prêtres : donner de l’espoir. A-t-on jamais reproché aux prêtres de ne pas arriver à faire tomber la pluie ou à écarter la peste par leurs prières ? Non, bien sûr. Alors pourquoi irions nous reprocher au chef de l’Etat qui nous a promis du pouvoir d’achat de ne pas y arriver ?
Du moment qu’il ne nous montre pas qu’il remplit les poches des autres.
(1) Ecrit vers 1515. Voir des extraits ici. Par ailleurs, rappelons que Prince est pris ici au sens de « celui qui gouverne », et non au sens de « fils du roi »
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