Nous ne demandons pas aux statistiques assez de renseignements et nous exigeons d'elles trop de conclusions.
Auguste Detœuf - Propos de O. L. Barenton, confiseur (1938) - Éditions d'Organisation 1982
Il y a de ça quelques dizaines d’années, une statistique avait corrélé le pourcentage de ménages possédant un poste de télévision avec celui des divorces. Qu’importe que le procédé soit naïf, et que la diffusion quasi universelle de la télévision nous ait détourné d’une telle interprétation ; reste qu’on continue à l’utiliser abondamment. Car nous exigeons toujours du statisticien des conclusions comme si elles n’étaient qu’une manipulation technique de plus. Comme si les chiffres parlaient d’eux mêmes.
Il y un tas de gens beaucoup plus compétents que moi pour dire que les statistiques « mentent » par tous les bouts, par exemples les sondages qui induisent les réponses par la tournure des questions, qui fournissent des possibilités de réponses (Oui - Non - Ne-se-prononce-pas) dans les quelles chacun se positionne avec une intention différente, et je ne parle pas de la façon de constituer le « panel » des sondés…
En vérité, le public ne me semble pas très gourmand de statistiques, mais il l’est en revanche d’interprétations de statistiques. Lorsque vous trouvez des statistiques dans votre journal, lisez-vous les tableaux de chiffres, avec l’indication de la méthode de sondage, ou bien vous contentez-vous des réponses dominantes en chiffre gras et des conclusions qui vont avec ?
Au fond ce qui nous intéresse, c’est la certitude, c’est la réalité « objective », entendez celle qui révèle une propriété des choses ou des êtres, quelque chose de bien essentiel et de bien caché, pour qu’on puisse ce dire : « Ah ! C’est donc ça ! ». Que cette réalité objective existe ou pas, après tout qu’importe ? Notre besoin de certitude l’emporte largement sur notre intérêt pour la validité des vérités qu’on nous propose.
Notez que ce n’est pas une caractéristique de notre époque. Déjà Nietzsche signalait que ce que nous appelons vérité, c’est ce qui calme notre inquiétude et que notre aversion des « problèmes » venait du trouble qu’on ressent à les sonder.
3 comments:
On devrai demander aux journalistes non pas d'avoir fait des études de lettre, mais des études de math, au moins on serait sur qu'ils saurai lire et interpréter les statistiques...
On peut faire de la statistique car l'univers est harmonieux et non complètement chaotique. Rien que cela c'est dingue...
Ceux qui exigent la vérité de la statistic pense que le monde est figé...c'est encore plus dingue.
Ceux qui exigent la vérité de la statistique pense que le monde est figé...c'est encore plus dingue
-- C’est tout le problème des sciences humaines, à savoir qu’il s’agit de sciences qui modifient leur objet au fur et à mesure qu’elles se développent. Parce que l’homme qui connaît son avenir peut faire quelque chose pour le modifier, dans la mesure où tout n’est pas inéluctablement, mais seulement _statistiquement_ écrit.
C’est comme ça que j’ai entendu des communistes dire que les œuvres de Marx, en révélant la nécessité de la révolution prolétarienne, avait permis au capitalisme de trouver la parade et de se tirer d’affaire…
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