Ce qui importe véritablement à quelqu'un - j'entends à ce quelqu'un qui est unique et seul par essence - c'est justement ce qui lui fait sentir qu'il est seul.
Paul Valery
On a déjà signalé cette valorisation de la solitude – ainsi Schopenhauer : « …chacun fuira, supportera ou chérira la solitude en proportion exacte de la valeur de son propre moi. Car c'est là que le mesquin sent toute sa mesquinerie, et le grand esprit, toute sa grandeur ; bref, chacun s'y pèse à sa vraie valeur » (voir ici).
En revanche, on n’a peut-être pas suffisamment dégagé l’idée qui lui est liée : on est toujours au moins un peu seul – même en compagnie d’une bande d’amis, même tendrement enlacé avec une maitresse adorée.
Cette solitude « constitutionnelle » si l’on peut dire a été souvent signalée pour les cas de souffrance aigüe voire – pire encore – dans les affres de la mort.
Brrr… N’y pensons plus, c’est inutile : car dès lors que nous examinons attentivement notre conscience, nous voyons bien qu’elle ne peut en aucun cas coïncider avec la conscience d’autrui. Ça, tous les philosophes de la conscience l’ont dit, (même s’ils se sont ingéniés à trouver le moyen de contourner la situation, comme avec le dialogue dont on parlait récemment). Ils ont même inventé un mot, exprès pour dire cette solitude : c’est le solipsisme (1).
Ce que nous voudrions souligner encore, c’est l’idée qui se dégage de cette citation de Valéry (et de toute l’œuvre de Nietzsche) : c’est précisément la meilleure partie de nous-mêmes qui se trouve située derrière la barrière de la solitude.
Bien entendu, rien ne nous empêche de chercher à faire sauter cette barrière, ou du moins à aider nos amis à la franchir. Et sans doute est-ce le plus fructueux des échanges que nous puissions avoir avec eux. Mais je reste persuadé qu’il y aura toujours quelque chose d’impartageable avec autrui, et, sans doute encore, est-ce parce qu’il se reconstitue au fur et à mesure qu’on le traîne au grand jour.
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(1) Mot du jour – Solipsisme (sens B) : Attitude d'une personne qui, dans son expression, sa création, sa vision du monde, privilégie la solitude de sa subjectivité. (TLF)
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