« …chacun fuira, supportera ou chérira la solitude en proportion exacte de la valeur de son propre moi. Car c'est là que le mesquin sent toute sa mesquinerie, et le grand esprit, toute sa grandeur ; bref, chacun s'y pèse à sa vraie valeur ».
Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation.
La grandeur de la solitude est la grandeur dans la solitude. Comment cela ?
1 - Est-ce que, comme le « Wanderer » de Friedrich, on est seul parce qu'il n'en peut être autrement, lorsqu'on contemple les horizons infinis et les insondables beautés de la nature ?
2 - Ou bien, comme le "Philosophe en méditation" de Rembrandt, faut-il attendre la vieillesse non pas au sommet de sa tour d’Ivoire, mais seul (ou presque) tapi au fond d’une caverne ?
Pourquoi faudrait-il être seul pour penser ? Le sage n’est-il en tête à tête qu’avec lui-même ?
3 - On peut certes le penser, et dire avec Valéry :
« O récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des Dieux ! ».
C’est qu’on est parvenu aux confins du langage, là où il n’y a plus qu’à se taire et contempler : on ne contemple que seul car aucune communication n’est plus possible.
4 - Seulement, voilà, Schopenhauer est très explicite : la solitude est le moyen de se chérir soi-même, c’est-à-dire que la contemplation n’a d’autre objet que soi-même.
On est donc dans une sorte de divertissement pascalien inversé : au lieu que l’orgueil nous fasse fuir le spectacle affligeant de notre bassesse, il nous fait jouir de notre propre supériorité. Les autre sont mes ennemis parce qu’ils me décentrent de moi-même, parce qu’ils ont l’insupportable prétention à vivre et à penser pour eux mêmes, au lieu de me contempler entrain de vivre et de penser.
No comments:
Post a Comment