Citation du 13 décembre 2011

[Représentation de la valeur] – [J’ai dit que] cette « représentation » là, quand une valeur forme son contenu, est à y bien regarder le sentiment d’un appel, justement, et [que] cette « fonction » là [est] une exigence qui n’a pas de d’existence hors de nous, mais néanmoins émane, quand à son contenu, d’un royaume idéel ne résidant pas en nous et n’adhérant pas non plus aux objets de l’évaluation telle une de leur qualité propre…

Simmel – Philosophie de l’argent p. 34

Je ne reviendrai pas sur la question de la valeur de l’argent, entamée hier, mais bien compliquée à décortiquer – du moins tant qu’on n’a pas déterminé le mode d’existence de la valeur.

C’est ce que Simmel fait ici : la valeur n’est ni objective, ni subjective – elle est métaphysique.

Pour éviter le dogmatisme souvent attaché aux exposés métaphysique, Simmel parle ici, non pas exactement de la valeur, mais plutôt de sa représentation. Celle-ci ne dépend pas de nous (du moins c’est bien ce qu’on ressent) ; et elle n’est pas non plus réductible à ce qui existe. Elle correspond si on veut au « troisième monde » de Popper.

Un exemple : la foi.

La foi n’est pas réductible à un sentiment dans la mesure où le croyant ne la considère pas comme ayant sa source en lui : elle n’est pas subjective, et pour lui elle atteste l’existence de Dieu. Mais en même temps, elle ne peut coïncider avec aucune réalité objective, elle ne peut même pas être l’intuition « mécanique » de la présence de Dieu dans le monde (1) : elle est une grâce par la quelle Dieu se dévoile à sa créature. La foi est – pour autant qu’on puisse la décrire – l’effet de l’ouverture de notre monde sur un autre monde, celui de Dieu.

Bien sûr ce qu’on dit ici de la foi en Dieu n’est qu’un exemple de l’intuition des valeurs et de leur mode d’existence.

Alors, en quoi l’argent pourrait-il être une telle valeur ?

N’est-il pas, lui aussi toujours autre que ce en quoi il peut s’incarner ? Si l’on rêve d’avoir, comme dit le proverbe « le beurre et l’argent du beurre », c’est parce que cet argent-là, il est en rêve toujours ailleurs, jamais identifié à ce qu’il nous permet d’acquérir – alors que pourtant il ne nous intéresse qu’en nous conférant le pouvoir de le faire

Et c’est là qu’on voit quelle différence il y a entre la valeur et l’argent : c’est que la valeur est un absolu qui existe par lui-même, alors que l’argent n’existe que dans sa circulation, il est toujours argent pour faire ceci ou pour faire cela.

… Sauf à faire de l’argent un fétiche (cf. Marx et le post d’hier)

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(1) Même si c’est en cela que la foi du charbonnier consiste