Friday, May 12, 2006

Citation du 13 mai 2006

Etre adulte, c'est avoir pardonné à ses parents.

Goethe

Terrible Goethe ! Qu'on soit enfant (c’est à dire futur parent), ou parent (c’est à dire ancien enfant), on ressent sa sentence comme le couperet de la guillotine qui tranche irrémédiablement dans la vie, instituant la rupture entre le passé et le présent. Et en même temps, on ne peut s’en détacher, comme si sa vérité nous poursuivait malgré nous.

Ce que dit Goethe, c’est d’abord qu’être adulte, c’est avoir définitivement tourné une page. Pas de retour en arrière possible : la régression infantile ? Si elle existe, ce n’est que la continuation d’un état qui n’a jamais cessé d’être. Celui qui n’a pas abandonné définitivement son enfance ne sera jamais adulte (qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore n’est pas ici en question). Mais que signifie « abandonner définitivement son enfance » ?

Deuxième affirmation de Goethe : on ne devient adulte qu’après avoir pardonné à ses parents. Je ne vais pas convoquer ici toute la littérature freudienne qui permettrait de développer cette intuition de Goethe ; je ne retiens que l’évidence : pour être adulte, il faut cesser d’être celui qui a des comptes à régler avec ses parents. Ne plus être celui qui pleurniche parce que sa maman lui a refusé de le prendre dans son lit le dimanche matin, ou parce que son papa lui a défendu de sortir dimanche après midi. Ne jamais être celui qui attribue ses difficulté d’adulte à l’incompréhension de ses parents (« …s’ils m’avaient écouté, j’aurais pu faire des études de journalisme, je serais aujourd’hui grand reporter en Afrique, au lieu de bosser dans ce boulot de merde »).

Et il importe peu que ces reproches soient justifiés ou non. Car le pardon, ici, commence avec l’oubli, c’est à dire cette force active dont parle Nietzsche, celle qui nous permet de secouer la tête et de dire « Allons, c’est devant qu’est la vie ».

Et si vous n’avez pas pardonné à vos parents alors non seulement vous allez ressasser indéfiniment le passé, ce qui va vous stériliser, mais en plus vous allez transposer votre conflit dans la vie présente, devenant l’enfant de votre épouse, qui n’en a pas envie, ou de vos amis qui n’y sont pour rien. Ou encore vous allez vous efforcer d’être pour vos enfants le parent sans tache, celui à qui on n’aurait rien à pardonner.

Et ça c’est encore pire.

4 comments:

Anonymous said...

On pourrait discuter un moment sur la différence entre le pardon, l'oubli, et l'excuse éventuellement. Pour moi les trois notions ne se confondent pas...
Je suis assez d'accord avec Goethe... mais je pensais à une autre "définition" de l'entrée dans la vie d'adulte. Il me semble que devenir adulte, c'est prendre conscience de l'incompressible solitude humaine. L'homme est seul devant la mort. J'emploie le terme de mort dans un sens que j'élargis à toute situation de souffrance physique ou psychique limite, intolérable; situation de souffrance qui provoque une crise, un séisme existentiel, remise en cause profonde ou prise de conscience. Je pense que l'homme est absolument, fondamentalement seul devant ces situations. Même si tous ses proches lui tiennent la main. L'enfant se croit immortel, il devient adulte en prenant conscience de sa propre finitude, et de la solitude qui l'accompagnera tout au long de sa vie.
On ne dirait pas, mais j'ai pourtant le moral au beau fixe ce soir...
(ps: j'ai aussi posté un autre commentaire pour la citation du 29 avril...)

Jean-Pierre Hamel said...

Merci pour ces remarques.
Je reconnais un engagement sartrien dans votre définition de la vie adulte, et je suis assez proche de cette perspective. Ce qu'on peut reprocher à Goethe ici c'est de faire de l'adulte quelqu'un qui a rompu avec le passé. J'ai tenté de donner les implications de cette thèse, mais je ne la partage pas tout à fait.
De fait je serais plutôt bergsonien que sartrien : l'existence est une création qui forme un tout, de telle sorte que sa durée est toute entière au présent. Les étapes de la vie ne sont des ruptures qu'en surface, et quelqu'un qui aurait une vue suffisamment globale sur sa vie s'apercevrait qu'elle ne forme qu'un seul tout qui s'invente au fur et à mesure.
On a alors affaire à une conception de la vie qui se définit par une différenciation et un développement progressif, qui se développe de cette façon jusqu'à son terme. La jeunesse comme la vieillesse ne sont donc pas séparables de ce processus vital.

P.S. Je suis d'accord avec vous : le pardon, ce n'est pas l'oubli, mais Goethe y croit c'est sûr.

Anonymous said...

I say briefly: Best! Useful information. Good job guys.
»

FRANKIE PAIN said...

c'est une grand bonheur que de lire ce billet et les remarque de votre lecteur
riche d'enseignement et de voir quand on a un certain age les différentes phases dans cette perception, sans vraiment connaitre Spinoza je me trouve proche de lui comme vous pouvez l'expliquer.

ce qui est rigolo c'est que je fus une grand interprète de Goethe dans trois spectacle à travers différents age dont un rôle très marquant celui de Christiane Vulpius Von Goethe
comme j'ai pu le lire avant de pouvoir faire la dramaturgie nous nous l'étions partager à quatre dramaturge pour pouvoir le jouer

je me rappelle de ce fait dans "les années d'apprentissages" le filet de ses liens avec sa mère...
de son père je ne me rappelle de rien tiens je vais aller voir