Tuesday, May 02, 2006

Citation du 3 mai 2006

« Miroir, mon beau miroir, dis-moi, quelle est la plus belle ? »

Jacob et Wilhelm GRIMM - Blanche-neige

Blanche neige est un drame de la vie quotidienne transfiguré par le conte, qui met en scène dans le merveilleux et le narratif un traumatisme de la vie infantile et sa résolution : on aura reconnu la référence à la Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim. Ici nous nous intéressons à un fragment de cette histoire : les démêlées de la reine mère avec sa fille, où le traumatisme est pour l’adulte et non pour l’enfant.

La reine, mère de Blanche neige, veut chaque jour la confirmation de sa beauté, et elle questionne pour cela son miroir. Elle veut que ce Maître du reflet la confirme dans la certitude de sa beauté ; que cet émerveillement qu’elle suscite soit, en plus, une réalité objective, définie par Celui qui possède la science des apparences.

Mais la reine ne se contente pas d’être belle ; elle veut être « la plus belle », et on sait que le drame de Blanche neige est d’être devenue plus belle qu’elle. On devine ici le drame familial que constitue la rivalité mère-fille : la mère veut être la référence absolue, indépassable, essentielle. Mais elle ne peut l’être que si sa fille ne reste, au mieux, que l’imparfaite copie du modèle qu'elle constitue ; et du jour où cette enfant devient une femme adulte autonome, vivant à sa manière sa propre vie, de ce jour là tout s’effondre pour elle.

Il ne s’agit donc pas, dans la vie quotidienne, de savoir si la fille est plus que la mère ; car il suffit qu’elle soit autre pour qu’elle perdre son rôle de modèle. Supposons que Blanche neige soit un laideron. La méchante reine pourrait triompher d’elle facilement ; le Miroir la désignerait toujours comme étant la plus belle. Mais que Blanche neige lui dise : « Mère, vous êtes plus belle que moi, c’est vrai. Mais vous êtes aussi une vraie gourde, vous faites des fautes de français à chaque mot, et mes amis - étudiants de Harvard - se tordent de rire à chaque fois que je leur raconte vos bourdes. » ; on la verra s'effondrer.

Ce post est destiné aux mamans. Que les papas patientent : leur tour viendra.

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