« Si les signes vous fâchent, ô combien vous fâcheront les choses signifiées. »
Rabelais Tiers livre (ch. 20 )
Euphémisme : figure de pensée par laquelle on adoucit ou atténue une idée dont l'expression directe aurait quelque chose de brutal, de déplaisant. Nous avons donc peur des mots, et si vous ne me croyez pas, cherchons des exemples.
On ne dit pas aveugle, mais malvoyant ; sourd mal malentendant ; paralytique mais personne-à-mobilité-réduite ; « il est mort » mais « il est parti »… Inutile, n’est-ce pas, de prolonger cette liste, on a compris. Compris qu’il y a des vilains mots, des mots qui fâchent, des gros mots. Oui. Mais pourquoi ?
Peut-être est-ce du côté de Freud qu’il faut chercher. Ces mots qu’on ne prononce que péniblement, dont chacun de nous peut trouver un exemple en lui-même, sont l’objet d’un refoulement. En fait, c’est l’idée de ce qu’ils désignent qui est interdite, et c’est son évocation qui blesse notre conscience ; ce qui signe l’origine inconsciente du phénomène c’est la force de rejet qui se manifeste ainsi. Car pour l’inconscient, l’équation est simple : Mot=idée=réalité ; entre le mot et ce qu’il désigne il n’y a pas de différence, contrairement à ce que prétend Rabelais. Voyez les B.D. américaines, lorsqu’un enfant dit un « gros » mot, sa maman lui lave la bouche au savon : la souillure est physique (dirty words disent les anglais).
Mais pas de rejet phobique sans désir : c’est l’ambivalence qui est la règle ici, il n’y a dégoût que de ce qui fait jouir, et si ces mots sont interdits, c’est qu’ils sont liés à un désir. C’est la raison qui explique l’attrait des enfants pour les mots défendus : le folklore obscène des cours de maternelles qui étonne tant les adultes n’a sans doute pas d’autre origine que le plaisir, non pas de braver un interdit (encore que…), mais de signifier ce qui est défendu. Ces petits les prononcent non pour choquer, mais pour évoquer ce qui est lié à leur plaisir :
- Caca boudin !
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