Histoire juive - L’un dit à l’autre : « Je vais à Cracovie », et c’est la vérité, il dit vrai. Mais l’autre, le soupçonnant de mentir, lui dit : « Mais pourquoi me dis-tu que tu vas à Cracovie alors que tu vas à Cracovie, pour que je croie que tu vas à Varsovie ? »
Freud - Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient.
On peut être trompé, même par la vérité. Voilà la morale de cette histoire juive, qui pourrait tout aussi bien servir à décrypter le mensonge politique qui nous préoccupe tant en ce moment.
Le paradoxe est le suivant : tout le monde sait que les politiciens mentent, mais personne ne pardonnera à celui qui se fait prendre en flagrant délit de mensonge ; qu’on se rappelle l’affaire du Watergate : Nixon n’est pas condamné à démissionner seulement pour avoir couvert la pose de micros au siège des démocrates, mais aussi pour avoir menti sous serment. Le premier mensonge du politicien est d’affirmer sa sincérité lorsqu’il parle, la première naïveté du citoyen est de le croire.
C’est qu’en politique la vérité n’importe pas beaucoup plus que le mensonge : cette histoire juive nous a déjà montré qu’on peut être trompé aussi bien par l’un que par l’autre. Ajoutons maintenant qu’en politique la vérité est une assertion qu’on peut évaluer en terme d’efficacité et non en terme de connaissance : je ne dis la vérité que pour être cru et pour obtenir de ce fait satisfaction. Derrida relève que la vérité comme le mensonge entrent dans la catégorie des énoncés performatifs (1), c’est à dire des actes de paroles dont la valeur se mesure à l’efficacité.
La naïveté des citoyens n'est donc que la contrepartie des mensonges des politiciens : ce sont eux, les citoyens qui entretiennent, le mensonge politique. Car s’ils n’y croyaient pas celui-ci serait abandonné parce qu’inefficace.
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