« Mais à moi particulièrement, les moustaches que j'ay pleines, m'en servent : si j'en approche mes gans, ou mon mouchoir, l'odeur y tiendra tout un jour : elles accusent le lieu d'où je viens. Les étroits baisers de la jeunesse, savoureux, gloutons et gluants, s'y collaient autrefois, et s'y tenaient plusieurs heures après. »
MONTAIGNE - Essais - Livre I Chapitre 55 - Des Senteurs
Alors voilà : il suffit que ce soit Montaigne qui nous raconte l’avantage qu’il y a à avoir des moustaches pour qu’on s’extasie ! Moi je dis non ! C’est dégoûtant !
Le défi du jour : que dire qui rattrape cette inconvenance ? Seule la science peut s’aventurer sur ce terrain avec la justification de découvrir et de faire connaître la vérité.
En réalité, ce rejet de l’odorat vient de loin. Déjà Platon ne le retenait pas dans la liste des sens dont la satisfaction puisse être considérée comme esthétique ; et Hegel en rajoute en disant que l’odorat (comme le toucher et le goût) nécessite le contact matériel avec ce qui produit la sensation (oui, même pour l’odeur), et qu’il n’est donc pas « spiritualisable » comme peuvent l’être la vue et l’ouïe (qui ne nécessitent pas de contact physique avec l’objet visible ou audible).
Et de fait il semble que l’effet de l’odorat soit trop puissant pour qu’on ne le canalise pas, pour qu’on ne se méfie pas de lui. Comment surmonter le dégoût suscité par le malpropre de clochard qui vient s’asseoir près de vous dans le bus ? La charité chrétienne s’y épuise. Inversement, peut-on résister à l’attirance de l’odeur agréable quelle que soit sa nature ? La marchande de poulet rôtis du marché, comme les parfumeurs ont la même arme. Qu’on lise le fascinant roman de Patrick Suskin Le parfum pour y trouver une description de ce pouvoir : le maître de l’odeur est le maître des hommes…
Voilà : maintenant vous êtes au parfum
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