Le savant n'est pas l'homme qui fournit les vraies réponses, c'est celui qui pose les vraies questions.
C. Lévi-Strauss
Comment procède le progrès scientifique ? Par conservation et accumulation d’approximations, ou par changement radical ? Par réforme ou par révolution ?
On pourrait conclure de la citation de Lévi-Strauss que la révolution est substantiellement liée à la science. Ce qui fait que ses découvertes sont inéluctablement appelées à être renversées par le progrès du savoir, et qu’ainsi, s’annulant les unes les autres, chaque avancée rendrait caduque l’avancée précédente. Dans la perspective d’une vérité absolue, la découverte scientifique serait plutôt falsification de la « vérité » précédemment acceptée. Ceci est attesté même dans le vocabulaire courant : le savant, celui qui sait, n’est plus ; il est remplacé par le chercheur, c’est à dire celui qui pose les questions.
En revanche, le vrai progrès se trouve sans la délimitation de la recherche : le savant est celui qui renonce à chercher ce qu’il ne pourra pas trouver ; par exemple l’origine absolue(1) de la vie, ou celle de l’Univers. Il est aussi celui qui accepte de voir un problème là où tous ne voyaient avant lui que des solutions ; par exemple Lavoisier qui s’interroge sur le rôle de l’oxygène dans la combustion, alors qu’on tenait pour évident que l’existence du phlogistique - substance constitutive du feu - suffisait pour comprendre ce phénomène.
Seulement, à ce compte on se demandera à quoi bon chercher si tout ce qu’on peut trouver s’appelle « nouveau problème » ? Et faut-il tenir pour équivalentes les découvertes du passé, jugées également erronées ? Ptolémée dit : « la terre est immobile au centre de l’univers ; le soleil décrit un cercle en tournant autour d’elle ». Copernic dit : « le soleil est immobile au centre de l’univers ; la terre décrit un cercle en tournant autour de lui. » Kepler dit : « La terre décrit une ellipse autour du soleil. ». Qui donc dira que tout cela est également faux ? Que de Copernic à Ptolémée, la seule différence est dans le refus de considérer comme satisfaisante la théorie des ciels concentriques pour expliquer le mouvement des corps célestes ? Et qu’aurions-nous trouvé de radicalement nouveau par rapport à Kepler ?
Comme disait Bachelard, il y a des erreurs qu’on ne recommence pas.
(1) J’entends par origine absolue celle qui donnerait non seulement le point de départ mais encore le sens de la vie ou de l’Univers (comme le « fiat lux » divin)
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