Le beau n'a qu'un type ; le laid en a mille.
Victor Hugo Préface de Cromwell
Victor pompe allègrement dans le réservoir des principes de la scolastique. Exemple : la vérité est unique mais l’erreur est multiple. Ainsi, 2+2=4, vérité unique ; 2+2=5, ou 6, ou 3,758 : erreurs multiples. Comme il y a une règle absolue du vrai, il doit donc y avoir un principe unique qui permette de juger du beau.
Seulement, ce faisant, il pose la beauté comme définissable selon des principes rigoureux. Et la laideur alors ? N’y a-t-il rien que l’absence de beauté pour la signaler ? S’il y a mille façon d’être laid et une seule d’être beau, la monotonie guette les esthètes. Mais surtout, cela veut dire que cette règle s’applique aussi bien aux choses naturelles qu’aux œuvres d’art. Au lieu d’être le produit d’une libre création, le beau est un état, une manière d’être, un degré de perfection des choses. Bref, Victor parle ici en philosophe, pas en artiste…
Mais la beauté n’est-elle pas affaire de création, d’invention, de nouveauté ? Ne dirions-nous pas plus justement que si le beau suit des règles, c’est qu’il les invente en même temps que l’œuvre se crée ? Tout l’art moderne s’est développé sur un rejet des règles établies, la libération de la création n’étant plus l’affaire de quelques génies, mais la manière d’être de l’artiste dans son travail.
Seulement, voilà. Qui donc se préoccupe aujourd’hui de beauté et de laideur ? Victor apparaît bien « académique » de penser l’art en de pareils termes. Ces concepts sont en réalité des concepts liés à l’histoire de l’art, de la culture, leur évolution est aujourd’hui achevée, non pas avec un absolu, comme Hegel le croyait, mais dans le néant.
Finalement, Victor avait - en partie - raison : si on affirme qu’il y a une multitude de types du beau, alors c’est qu’il n’existe plus. Il ne cède même pas la place à la laideur.
No comments:
Post a Comment