Friday, July 28, 2006

Citation du 29 juillet 2006

La peur de l'ennui est la seule excuse du travail.
Jules Renard - Journal
Bien sûr, la nécessité du travail rend inepte ce genre de citation. Bien sûr, il serait plus raisonnable de réfléchir sur la malédiction (ou la bénédiction, ici peu importe) qui rend le travail de toute façon inévitable. Mais supposez un instant qu’en plus certains aiment ça ; qu’il y ait des gens assez bizarres pour dire « le travail, moi, j’aime ! ».
Alors Jules Renard se lève pour leur dire : « Vous manquez d’imagination et c’est la peur de l'ennui qui est la seule excuse de votre amour du travail. ». Et donc, si vous dites que vous aimez votre travail on va vous dire que vous êtes un pauvre type qui ne sait pas jouir de la vie. Décidément le mérite n’est pas reconnu !
Eh bien, moi je dis : … au fait qu’est-ce que je dis ? Parce que ce n’est pas évident. Si vous aimez votre travail vous donnez bien sûr tort à Jules. Mais supposez que demain matin vous vous leviez avec la migraine ; ou bien que votre chef de service, un type compétent et sympa, vienne à être remplacé par une vieille carne bornée et acariâtre. Vous y êtes ? En tout cas, vous êtes au boulot, quoiqu’il en coûte. Car le travail c’est ça aussi : sa nature véritable, ce qui le distingue de toute autre activité, ce n’est pas d’être agréable ou désagréable ; c’est d’être forcé. On a beaucoup dit que la Genèse n’avait pas maudit le travail mais seulement le labeur improductif (travaux forcés : casser des cailloux le long des chemins) : en réalité la malédiction c’est la contrainte; et cette malédiction, elle court toujours : si vous ne travaillez pas, coûte que coûte, vous êtes un parasite (un retraité bénéficiant de la solidarité intergénérationnelle).
Reste, comme on vient de le dire, qu’il y a des gens qui aiment leur travail et qui ont la chance de ne pas en être rassasié. On sait que Freud expliquait le phénomène en énumérant les raisons d’aimer travailler : il y intégrait toutes les composantes (narcissiques, agressives, érotiques) de la personnalité.
Mais il ajoutait aussitôt : «malgré tout cela, le travail ne jouit que d'une faible considération dès qu'il s'offre comme moyen de parvenir au bonheur

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