Il faut se dégager soi-même de la prison des affaires quotidiennes et publiques.
Epicure - Sentences vaticanes
Les affaires… Comment comprendre ce mot ? Les affaires publiques concernent, on le devine facilement, toute ce qui est gestion des biens collectifs, les prises de décisions ; bref, il s’agit pour Epicure de nous déconseiller la vie de citoyen actif. Quant aux affaires quotidiennes, on supposera qu’il s’agit de la gestion de la vie matérielle, le travail, l’argent, les achats ; etc. (1)
Pour se retirer des affaires, le plus sûr c’est de ne pas travailler, de ne pas dépenser, de ne vivre que de l’air du temps. C’est ce que faisait Epicure au point qu’il était réputé pour être d’une extrême pauvreté, un quasi vagabond. Volonté de pureté, en se tenant à l’écart des richesses et de leur corruption ? Nullement. C’est pour éviter le souci lié à l’incertitude de la jouissance des biens matériels. Car là est la véritable leçon de morale épicurienne. Le bonheur est dans le repos de l’âme, et le repos de l’âme est lié à deux facteurs :
- d’une part la réalité matérielle : il nous faut tout ce qui peut nous procurer du plaisir ; mais de surcroît l’autonomie nous est indispensable : non seulement nous ne devons manquer de rien aujourd’hui ; mais encore nous devons être certains de ne manquer de rien demain et les jours qui suivent. Sinon, l’inquiétude de l’avenir se transforme en souci.
- en effet les représentations psychologiques doivent être apaisantes ; sinon c’est là encore le souci qui ruine le bonheur.
Aujourd’hui, toute la société de consommation, sous des apparences épicuriennes vise à stimuler le besoin, donc le souci de manquer, donc l’agitation contraire au bonheur. Plus tu consommes, plus tu es rassasié ; plus tu es rassasié, moins tu consomme. Très mauvais pour le marchand, ça… Vite ! Faisons ressurgir le désir du plaisir (2) et la crainte de la pénurie ; stimulons donc le souci.
Dans quels domaines pourrions-nous donc être encore épicuriens ? Comment échapper à la prison des affaires quotidiennes et publiques ? Sans doute la réponse la plus simple c’est : l’amour. Et sans grand « A », s’il vous plait. Diogène (Laërce) raconte que Diogène (le Cynique) se masturbait sur la place publique (oui, vous avez bien lu : sur l’Agora !) en disant : « Quel dommage qu’on ne puisse satisfaire sa faim aussi facilement ! ».
Si vous voulez être épicurien, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
(1) C’est le domaine de la chrématistique selon le terme transmis par Aristote.
(2) On aura compris que "désir" signifie ici "manque"
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