Allons ! descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres.
Genèse XI 4
Voici le célèbre épisode de la Tour de Babel, avec la non moins célèbre confusion des langues.
Si la rivalité des hommes avec les Dieux est constante dans les mythologies, les moyens qu'ils utilisent pour châtier l’orgueil des hommes sont en revanche très divers. Celui de la Bible ne manque pas d’intérêt, puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de créer la diaspora humaine, de multiplier en même temps les langues parlées par les hommes, rendant ainsi impossible la compréhension du langage des autres.
Il y a ici deux éléments qui frappent le lecteur moderne : d’abord, c’est que la multiplicité des langues apparaisse comme une malédiction et non comme une richesse culturelle. En suite - et surtout - que l’incompréhension du langage de l’autre soit LA malédiction, ou plus exactement le moyen le plus efficace pour affaiblir l’humanité. Et si la première observation paraît liée à un archaïsme, la seconde est en revanche assez moderne
Certains anthropologues ont imaginé en effet l’origine du langage à partir de ce qu’ils ont appelé le call system : un groupe de chasseurs préhistoriques ne peut agir de concert qu’à condition de coordonner son action. On suppose alors que cette coordination à distance s’obtient par des signaux vocaux, dont la démultiplication et la modulation aurait peu à peu engendré le langage. Cette théorie est-elle vraie, est-elle fausse, on ne le saura jamais. Mais elle témoigne de deux choses : d’une part que la communication est toujours pensée comme la fonction primitive du langage ; d’autre part que la compréhension du langage entre les hommes est bien la source de leur puissance : ici, à dominer la nature ; dans la Genèse l’ambition est de dominer Dieu lui-même.
L'usage de plus en plus universel de l'anglais dans les relations internationales ne risque-t-il pas de passer pour une reconstitution du "babélien", et de provoquer de nouveau le courroux de Dieu ?
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