Il devrait être bien clair aujourd'hui qu'on n'expliquera pas l'univers dans tous ses détails par une seule formule ou par une seule théorie. Et pourtant le cerveau humain a un tel besoin d'unité et de cohérence que toute théorie de quelque importance risque d'être utilisée de manière abusive et de déraper vers le mythe.
François Jacob – Le jeu des possibles
A-t-on renoncé à découvrir la formule (équation ou autre) qui serait l’ultime aboutissement de la science, celle dont on pourrait déduire toutes les lois de l’univers ?
François Jacob affirme à la fois qu’une telle formule ne peut pas exister et en même temps qu’il est dans la nature du cerveau humain de la rechercher inlassablement, ce qui n’est pas grave, et de croire l’avoir découverte, ce qui l’est beaucoup plus.
Car c’est cette pseudo unité qui a conduit à plier la science aux exigences de la foi (exemple : condamnation de Galilée), à rejeter les théories scientifiques naissantes au nom de théories scientifiques antérieurement admises (exemple : polémique sur l’existence des atomes).
Tout cela est bien connu, mais peut-être n’a-t-on pas encore été à l’essentiel sur ce sujet. Car, ce qui est en jeu, c’est un besoin supposé lié à l’esprit humain d’unité et de cohérence.
Cela Kant l’a dit depuis longtemps et beaucoup mieux que je ne saurais le faire. Mais ce que nous savons aujourd’hui, Kant ne pouvait pas le savoir : c’est que la science elle-même mettrait en pièces ce besoin d’unité, et qu’elle ne pourrait dans son progrès que piétiner nos interrogations et semer de nouvelles incompréhensions.
Nous savons par exemple qu’un corps accéléré uniformément ne dépassera jamais la vitesse de la lumière, que la nature de celle-ci est d’être à la fois ondulatoire et corpusculaire, et qu’on ne peut connaître les composants ultimes de la matière qu’à condition de les supposer dans un espace à n dimensions, où n est supérieur à 3 – voire même à 4. Comment notre rationalité peut-elle raisonner avec ça ? Les physiciens sont si habitués à cette situation qu’ils disent que lorsqu’ils trouvent dans leurs expériences de résultats incompréhensibles, alors ils commencent à s’y intéresser.
Pourtant… Voyez les efforts qu’on fait pour « réconcilier » la physique relativiste (celle des phénomènes cosmiques) et la physique quantique (celle des corpuscules) : il ne peut y avoir deux natures, donc il doit n’y avoir qu’une physique.
Allons-nous déboucher sur un nouveau mythe ?
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