Cependant tous les fripons criaient avec impudence : Bon Dieux ! accordez-nous seulement la probité.
[…] Jupiter, indigné de ces prières, jura enfin que cette troupe criailleuse serait délivrée de la fraude dont elle se plaignait.
Mandeville – La fable des abeilles – ou: vices privés, vertus publiques (Fable of the Bees: or, Private Vices, Publick Benefits. publiée entre 1714 et 1723)
Comment ne pas s’étonner que notre époque, agitée par les friponneries de Jérôme Kerviel et de Bernard Madoff n’ait pas érigé une statue à Mandeville pour le remercier de nous donner confiance en l’avenir ? Car une civilisation, qui permet de telles escroqueries, est à coup sûr fertile en progrès et en richesses pour tous ses sujets.
La citation du jour qui avait il y a deux ans maintenant (1) évoqué la Fable des abeilles, ne peut que revenir sur cette référence pour rafraîchir des mémoires bien fatiguées.
Tenons-nous en à l’essentiel de la fable : ce sont les vices des individus qui stimulent les activités porteuses de bien être pour tous. Ces vices sont la filouterie, l’injustice et l’inégalité, la rapacité et … on perdrait son temps à tous les énumérer. Le mieux est de se reporter au texte déjà référencé.
Rappelons aussi que Jupiter ayant miraculeusement rendu la vertu aux abeilles vicieuses, la ruche périclita rapidement et l’essaim s’éparpilla.
Nous n’en sommes heureusement pas là : aucun Dieu ne transformera nos financiers en philanthropes, aucun système d’évaluation et de contrôle ne sera jamais incorruptible, et donc les escrocs et les tricheurs n’ont pas fini de fertiliser l’économie.
Faut-il aussi rappeler que la Fable des abeilles a été un scandale peu commun au XVIIIème siècle ? Que ce texte a été un véritable repoussoir, décrié de tous ?
En tout cas il est intéressant de se demander si aujourd’hui nous sommes plus lucides que les critiques qui en son siècle vouaient Mandeville aux Gémonies.
Admettons que la richesse et la vertu ne font pas bon ménage – même aujourd’hui ! (2)
En tout cas, méfions-nous des pères-la-vertu qui prétendent moraliser le capitalisme : il a besoin du vice pour prospérer – et pour nous faire prospérer !
(2) Si vous êtes d’accord pour souscrire à cette conclusion, pourriez-vous nous dire quels sont les vices qui aujourd’hui peuvent contribuer au développement économique ?
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