… notre unique peine / est que sans espoir nous vivons en désir.
Dante – La divine comédie – L’Enfer chant IV, vers 41-42
De quels maux souffrent les damnés ? Sont-ils empalés vivants, ébouillantés, démembrés, déchiquetés par les dents de monstres sanguinaires ?
Sans doute…mais tous ces supplices sont mal perçus en tant souffrances, non seulement parce qu’ils sont devenus – heureusement – inimaginables, mais aussi parce que – hélas ! – nous pouvons puiser dans leur évocation une jouissance sadique.
Mieux vaut sans doute rechercher de quoi souffrent les damnés a minima, ceux qui ne sont accablés ni de ces supplices ni de ces tourmenteurs. (1)
Voici le tout début de la Divine comédie, le chant IV, celui du premier cercle de l’Enfer. Nous sommes dans des Limbes, juste sous les remparts de la Cité Dolente, celle dont la terrible porte nous annonce : « Vous qui entrez, laissez toute espérance » (2). S’y trouvent des enfants morts avant le baptême, et des païens ayant vécu avant que ne vienne le Christ. Tous sont sans tâche ; mais aucun n’a été sauvé.
Quelle est leur souffrance ? …sans espoir nous vivons en désir : la formule reprend l’avertissement placardé sur la porte (ci-dessus), car telle est la souffrance infernale minimale dont sont victimes ces pauvres âmes en peine – c’est le désir sans espoir. Entendez : désir d’être sauvé, sans l’espoir du Sauveur (3). Mais nous pouvons aussi entendre : désir au cœur du quel l’espoir est éradiqué.
Rappelons-nous que le désir est par définition (4) le sentiment qui porte avec lui la certitude que nous pouvons atteindre ce que nous désirons. Autrement dit, que l’espoir est consubstantiel à la vie – si tant est que la vie ne va pas sans désir.
Voici le message de Dante : ceux qui appellent la mort plutôt que la vie sont ceux qui désirent sans espoir.
... Pas gai mon Post ? Mais enfin, je ne vous avais rien promis !
Si c’est ça, éteignez l’ordi et allumez la télé.
(1) Pour un enfer sans supplices voir aussi Huis clos de Sartre.
(2) Chant III - voir aussi Post du 3 mars 2006
(3) Selon Dante, le sacrifice du Christ n’a pas eu d’effet rétroactif.
(4) Cf. la définition de Kant : Le désir est pouvoir d'être par ses représentations cause de la réalité des objets de ces représentations. (KANT – Critique de la faculté de juger – Introduction, III, note)
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