La Reyne-mere disoit : "J'ayme tant Paris et tant Saint-Germain, que je voudrois avoir un pié à l'un et un pié à l'autre. - Et moy, dit Bassompierre, je voudrois donc estre à Nanterre." C'est à my-chemin.
Tallemant des Réaux – Historiettes
Et revoici notre général de Bassompierre (vous savez, l’homme qui se prenait pour un poireau). Cette fois-ci il est amoureux de la reine mère (sans doute Anne d’Autriche), et il le fait savoir sans s’embarrasser des litotes dont on imaginerait l’emploi nécessaire, vu la qualité de la dame.
Parce qu’au fond, ce qui frappe c’est la grande liberté de parole dont jouit le maréchal. Comment ? Voilà un sujet du roi, qui, parlant à sa mère, lui dit carrément qu’il souhaiterait être entre ses jambes ?
Dire ces choses sans détour était à l’époque une forme de liberté habituelle, quelque chose qui devait se situer dans l’ordre de la nature. Alors, certes il y avait sans doute des milieux ou des occasions qui exigeaient au contraire un langage un peu plus « codé ». Mais justement, ces circonlocutions devaient servir surtout de marqueur social.
Ces remarques devraient nous aider à lire Rabelais, qui surprend par la verdeur et la brutalité de son vocabulaire. Certainement, aujourd’hui le lecteur mal averti des pratiques de l’époque doit se demander quel message Rabelais voulait faire passer par ce procédé.
Mais c’est que, justement, ce n’est pas un procédé. C’est une manière normale de parler, du moins au XVIème siècle (d’ailleurs nous en avions donné un échantillon le 5 juin 2008).
Nous restons aujourd’hui très attachés au langage, nous rejetons ou nous acceptons les gens sur la base de leur façon de s’exprimer. C’est ainsi que jeunes issus des quartiers se reconnaissent, et sont exclus, du moins à en croire ce dit Finkielkraut (et je crois aussi l’héroïne incarnée par Isabelle Adjani dans La journée de la jupe)
Si le maréchal de Bassompierre revenait aujourd’hui, quelle place accorderions-nous à quelqu’un qui parle comme lui ?
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