Ne combat jamais un homme qui n'a rien à perdre.
Baltasar Gracian (voir également ici)
Voilà un conseil facile à comprendre : combattre jusqu’à la mort, prendre tous les risques, voilà ce que l’homme pourvu de biens hésitera à faire, car il a trop à perdre. Par contre, celui qui ne possède rien, celui dont le lendemain n’est même pas garanti, celui-là est dangereux car il est capable de risquer sa vie pour bien peu de chose…
Mais un conseil peut en cacher un autre : si celui qu’on vient de détailler est bien connu, par contre on songera moins spontanément à sa conséquence : fais en sorte que personne – et surtout pas ton ennemi – n’ait rien à perdre.
Oui, mais dira-t-on, nous ne sommes pas tous des potentats ayant en leur immense pouvoir des biens à distribuer – un peu comme ce roi de France(1) donnant la Normandie aux Wikings pour calmer leur appétit de pillage…
Reste que si nous négocions avec des adversaires, il nous est possible de leur laisser un gain suffisant pour qu’ils aient envie de ne pas le perdre s’ils prennent l’initiative de la rupture.
C’est peut-être le b-a. ba de la négociation. Mais on l’oublie peut-être un peu trop lorsque on voit les innombrables négociations des plans sociaux aujourd’hui, où chacun donne l’impression de vouloir emporter toutes la mise.
Tout cela conforte l’idée qui nous a été suggérée par un commentateur à propos du « pragmatisme » de Notre-Président : il est nous dit-on avocat d’affaire de formation. Or l’avocat d’affaire est un spécialiste de la négociation plus que de la plaidoirie. Un bon accord vaut mieux qu’un mauvais procès ; le pragmatisme présidentiel trouverait son secret là-dedans. Accepter de perdre du terrain pour en conserver plus que si on livrait un combat sans merci (2)
Reste que, une fois que ton ennemi est pourvu de son lot, il est encore un homme qu’il faut combattre.
(1) Il s’agit de Charles le Simple comme dit mon Encyclopédie habituelle.
(2) On songe par exemple au CPE de Dominqiue de Villepin
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