Dans un groupe, on parlait d'un absent.
- C'est un imbécile, dit l'un,
- C'est un sot, dit un autre.
- C'est un con, dit un troisième.
- Vous exagérez, dit M. Nisard. Il n'en a ni l'agrément, ni la profondeur. »
Paul Léautaud – Journal littéraire 2 février 1909
Et revoici le con, adorable objet dont on a si souvent disserté ici (1) ? N’en a-t-on donc pas encore fait le tour ?
Rassurez-vous, chers lecteurs. Plutôt que de lasser votre patience avec je ne sais quel fétichisme, c’est du mot d’esprit que je voudrais vous entretenir aujourd’hui.
Car en effet, notre ambassadeur à Rome joue sur les mots comme on le constate,
Freud dans son étude sur le Mot d’esprit croit pouvoir dire qu’il faut être trois pour qu’il existe : celui qui l’énonce, celui qui en rit, et un troisième qui en sera victime, soit qu’il soit dénigré par l’ironie ; soit – mieux encore – qu’il reste incapable de la comprendre. Rire de celui qui est exclu par son imbécillité... Le pied !
Dans le mot d’esprit cité ici, il n’y a que deux protagonistes : celui dont on se moque est absent ; serait-il incapable de le comprendre ? Peut-être, mais nous n’en savons rien..
Pourtant je crois que là comme ailleurs le mot d’esprit a une fonction agressive, qui est d’afficher sa supériorité dans une conversation : déjà parce qu’on retire l’initiative à celui qui parlait en recentrant la conversation sur ce registre (à moins qu’on soit dans un concours de plaisanteries). Et puis aussi – et surtout – parce qu’on affirme la supériorité de son esprit sur tous les autres qui n’ont pas su saisir l’opportunité de faire eux-mêmes le bon mot.
Avoir de l’esprit, cela faisait sans nul doute partie de l’art de la conversation qu’on prisait tant dans l’aristocratie du XVIIIème siècle. Le joli mot de M. Nisard en fait partie.
(1) Voir ici et là
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